La méthode "des petits pas" de la construction européenne

L’Union européenne s’est construite progressivement depuis 60 ans.
La construction de l’Union européenne s’est faite selon la méthode des "petits pas". Il s’agit de construire l’Europe par "le bas" grâce à la mise en place d’une gestion commune entre plusieurs pays européens dans des secteurs limités, stratégiques et de plus en plus nombreux, afin de créer une solidarité de fait entre ces pays. Cette méthode s’oppose à une construction par "le haut" qui instituerait directement une fédération européenne.
Cette méthode est aussi appelée "méthode Monnet-Schuman", du nom du Commissaire général au Plan (Jean Monnet) et du ministre français des Affaires étrangères (Robert Schuman), qui ont défini ce procédé. Son principe est posé par la déclaration inspirée par Jean Monnet et prononcée par Robert Schuman, le 9 mai 1950, qui est considérée comme le point de départ de l’intégration européenne. Robert Schuman y appelle à la mise en commun des productions de charbon et d’acier de la France et de l’Allemagne, au sein d’une organisation ouverte aux autres pays d’Europe. Cette organisation constituerait la première étape vers une fédération européenne.
La traité de Paris du 18 avril 1951, créant la Communauté européenne du charbon et de l’acier (CECA), en est la première réalisation concrète.
Ainsi, la Communauté économique européenne (CEE), créée en 1957, étend la construction européenne à la réalisation d’un marché commun, grâce à la libéralisation des échanges et l’élaboration de politiques économiques communes. De plus en plus de domaines ont été mis en commun, (ex : politique agricole commune). Parallèlement, l’Europe s’est élargie géographiquement, passant de 6 à 28 États membres (le 1er juillet 2013, la Croatie est devenue le 28e membre de l’UE).


Différentes étapes de cette construction peuvent être décomptées.

Le 9 mai 1950 : déclaration de Robert Schuman
Le 9 mai 1950, le ministre français des Affaires étrangères, Robert Schuman, prononce, lors d’une conférence de presse au Quai d’Orsay, une déclaration historique. Il appelle à la mise en commun des productions de charbon et d’acier de la France et de l’Allemagne, au sein d’une organisation ouverte aux autres pays d’Europe.
Son but est d’assurer une paix durable en Europe, grâce au développement d’une solidarité de production entre la France et l’Allemagne, rendant impossible tout affrontement entre ces deux pays. Cette organisation constituerait la première étape vers une fédération européenne.
Le plan proposé dans cette déclaration a été élaboré par Jean Monnet, alors commissaire général au Plan.

18 avril 1951 : création de la CECA
Le 18 avril 1951, la Communauté européenne du charbon et de l’acier (CECA) est créée, pour une période de 50 ans, avec la signature du traité de Paris par six pays : la Belgique, la France, l’Italie, le Luxembourg, les Pays-Bas et la République fédérale d’Allemagne (RFA).

25 mars 1957 : création de la CEE et de l’EURATOM
Le 25 mars 1957, deux traités sont signés à Rome par les six pays européens ayant participé à la création de la CECA. Le premier institue la Communauté économique européenne (CEE), qui a pour but la mise en place d’un marché commun, et le second la Communauté européenne de l’énergie atomique (CEEA) dite Euratom.
À la différence du traité de la CECA, les deux traités de Rome sont conclus pour une durée illimitée.

14 janvier 1962 : premiers règlements sur la politique agricole commune

1er juillet 1968 : réalisation de l’Union douanière entre les Six
Les droits de douane entre les six membres de la CEE sont totalement supprimés. Un tarif douanier commun est mis en place aux frontières extérieures de la CEE.

1er janvier 1973 : de l’Europe des 6 à l’Europe des 9
Premier élargissement de la CEE avec l’adhésion du Danemark, de l’Irlande et du Royaume-Uni.

1er janvier 1981 : Une Europe à 10
Deuxième élargissement : la Grèce entre dans la CEE.

14 juin 1985 : signature des accords de Schengen
La Belgique, la France, le Luxembourg, les Pays-Bas et la RFA signent à Schengen des accords prévoyant la suppression progressive des frontières entre ces États et la libre circulation des personnes.
Mais la convention d’application de l’accord n’est signée que le 19 juin 1990 et entre en vigueur seulement le 26 mars 1995.

1er janvier 1986 : l’Europe des 12
Troisième élargissement de la CEE avec l’arrivée de l’Espagne et du Portugal.

17 et 28 février 1986 : signature de l’Acte unique européen
Les Douze signent, à Luxembourg et La Haye, l’Acte unique qui modifie le traité de Rome sur la CEE (9 États signent le 17, le Danemark, l’Italie et la Grèce signent le 28). Il fixe l’échéance pour la réalisation du marché intérieur unique au 31 décembre 1992. Celui-ci entre en vigueur le 1er janvier 1993.

7 février 1992 : signature du traité de Maastricht qui crée l’Union européenne
À Maastricht, est signé en février le traité sur l’Union européenne. Celle-ci se constitue de 3 piliers : les Communautés (CECA, CE, CEEA), la politique étrangère et de sécurité commune (PESC), la coopération en matière de justice et d’affaires intérieures (JAI). Par ailleurs, la CEE devient la Communauté européenne (CE).
Dans ce traité de Maastricht, une citoyenneté européenne est instituée, les pouvoirs du Parlement européen sont renforcés, et l’Union économique et monétaire (UEM) est lancée. Le traité de Maastricht entre en vigueur le 1er novembre 1993.

1er janvier 1995 : l’Europe des 15
Quatrième élargissement avec l’entrée de l’Autriche, la Finlande, et de la Suède dans l’Union européenne (UE).

2 octobre 1997 : signature du traité d’Amsterdam
Les ministres des Affaires étrangères des Quinze signent un traité qui modifie le traité sur l’Union européenne (TUE) et celui instituant la Communauté européenne (TCE). La Communauté européenne acquiert de nouveaux domaines de compétence. Le traité entre en vigueur le 1er mai 1999.

1er janvier 1999 : l’euro devient la monnaie unique de 11 des États membres
11 États forment à cette date la "zone euro" : Autriche, Belgique, Espagne, Finlande, France, Irlande, Italie, Luxembourg, Pays-Bas, Portugal et RFA. L’euro devient alors officiellement la monnaie légale de ces États.
La Grèce les rejoindra le 1er janvier 2001, la Slovénie le 1er janvier 2007, Chypre et Malte le 1er janvier 2008, la Slovaquie le 1er janvier 2009, l’Estonie le 1er janvier 2011, la Lettonie le 1er janvier 2014 et la Lituanie le 1er janvier 2015, faisant ainsi passer à 19 le nombre de pays de la « zone euro ».
Les pièces et les billets en euro n’ont été mis en circulation que le 1er janvier 2002. Mais les particuliers pouvaient déjà payer leurs impôts ou émettre des chèques en euros dès 1999.

26 février 2001 : signature du traité de Nice
Suite au Conseil européen qui s’est tenu à Nice du 7 au 9 décembre 2000, un traité est signé entre les Quinze qui modifie à nouveau traité sur l’Union européenne (TUE) et celui instituant la Communauté européenne (TCE). Ce traité devait permettre d’assurer un bon fonctionnement des institutions européennes en prévision du prochain élargissement de l’UE aux pays d’Europe centrale et orientale. Les discussions se sont concentrées sur le poids de chaque État au sein des institutions européennes (nombre de représentants au Parlement, pondération des voix au Conseil de l’Union européenne, nombre de commissaires européens). Le système défini à Nice a abouti à une sur-représentation des "petits pays". Le traité entre en vigueur le 1er février 2003.

16 avril 2003 : vers une Europe à 25
Un traité d’adhésion à l’UE de dix nouveaux États est signé à Athènes. Il s’agit de Chypre, de l’Estonie, de la Hongrie, de la Lettonie, de la Lituanie, de Malte, de la Pologne, de la République tchèque, de la Slovaquie, de la Slovénie. Pour entrer en vigueur, le traité doit être ratifié par les Quinze et par les dix nouveaux membres avant le 1er mai 2004. C’est à cette date que leur entrée dans l’Union devient effective.

18 juillet 2003 : une Constitution européenne ?
La Convention sur l’avenir de l’Europe, présidée par Valéry Giscard d’Estaing, remet le 18 juillet 2003 un projet de traité établissant une Constitution pour l’Europe présentant les adaptations du cadre institutionnel et politique de l’UE en vue de l’élargissement prévu en 2004.
Cette Convention a été convoquée par la déclaration de Laeken du 15 décembre 2001 des chefs d’État et de gouvernement des Quinze. Elle s’est réunie entre le 28 février 2002 et 18 juillet 2003. Il a été décidé que le projet de la Convention servirait de document de base à la conférence intergouvernementale chargée entre octobre 2003 et le printemps 2004 d’entériner la nouvelle réforme de l’Union européenne.

12 et 13 décembre 2003 : échec du Sommet de Bruxelles
Les 25 chefs des États membres et futurs membres de l’UE se réunissent à Bruxelles afin de se mettre d’accord sur un projet de Constitution. Aucun accord n’est possible. Les discussions reprennent au premier semestre 2004 sous la présidence irlandaise de l’Union.

1er mai 2004 : une Europe à 25
Entrée en vigueur du traité signé à Athènes le 16 avril 2003.

29 octobre 2004 : signature du projet de Constitution européenne
Réunis à Bruxelles les 17 et 18 juin 2004, les dirigeants des 25 États de l’Union européenne adoptent, après d’ultimes et difficiles négociations, le premier « traité constitutionnel » de l’Union européenne. Signé à Rome le 29 octobre 2004, il rassemble en un seul document, plus simple et lisible, l’ensemble des textes qui organisent le fonctionnement de l’UE. Pour que ce que l’on a appelé la Constitution européenne entre en vigueur, elle doit être ratifiée par chacun des États avant la fin 2006. Cela n’a pas été le cas.

29 mai et 1er juin 2005 : la France et les Pays-Bas disent « non » au projet de Constitution européenne
Le 29 mai 2005, les Français sont appelés à se prononcer par référendum pour ratifier le traité établissant une Constitution pour l’Europe. Ils le rejettent par 54,67% des voix. Le débat a été très nourri et la participation électorale forte (69,37% des électeurs). Le 1er juin 2005, les Néerlandais rejettent à leur tour ce texte par référendum avec 61,6% de « non ». La participation a été également forte (63,4%).
Après les résultats négatifs de ces deux référendums, les chefs d’État et de gouvernement des États membres décident, lors du Conseil européen des 16 et 17 juin 2005, que le processus de ratification pourrait se poursuivre. Plusieurs États ont suspendu leur processus de ratification, d’autres ont ratifié le texte.

1er janvier 2007 : une Europe à 27
Entrée en vigueur du traité d’adhésion signé le 25 avril 2005. La Roumanie et la Bulgarie deviennent membres de l’Union européenne.

13 décembre 2007 : signature du traité de Lisbonne
À l’issue d’une période de réflexion entamée après les référendums français et néerlandais, les chefs d’État et de gouvernement s’accordent sur l’idée d’un traité simplifié pour sortir du blocage institutionnel. Lors du Conseil européen des 21 et 22 juin 2007, une Conférence intergouvernementale est convoquée afin de rédiger un projet de « traité modificatif » modifiant les traités existants. Les 27 chefs d’État et de gouvernement, après être parvenus à un accord final sur le nouveau "traité modificatif" lors du sommet informel à Lisbonne les 18 et 19 octobre 2007, signent ce traité le 13 décembre dans cette même ville.
L’ensemble des ratifications se fait par la voie parlementaire, sauf en Irlande. Ce pays rejette le traité par un premier référendum le 12 juin 2008 avant de l’accepter par un second référendum le 2 octobre 2009. Le traité entre alors en vigueur le 1er décembre 2009.
En France, une réforme constitutionnelle a été nécessaire pour ratifier le traité, estimé contraire à la Constitution par le Conseil constitutionnel. La loi autorisant la ratification a été promulguée le 13 février 2008.

1er juillet 2013 : une Europe à 28
Entrée en vigueur du traité d’adhésion signé à Bruxelles le 9 décembre 2011. La Croatie devient le 28e membre de l’Union européenne. La population de l’UE atteint désormais plus de 508 millions de personnes.


II. Quid ensuite du Traité de Lisbonne?

Le traité de Lisbonne est un traité modificatif signé le 13 décembre 2007 dans la capitale portugaise et entré en vigueur le 1er décembre 2009. Il amende les traités existants (295 amendements) mais ne les rassemble pas en un texte unique (contrairement à ce que prévoyait le traité constitutionnel de 2004 qui n’a pas été adopté).
Le traité de Lisbonne comporte seulement sept articles. Les traités européens modifiés par lui se présentent désormais ainsi :
le traité sur l’Union européenne (TUE) (55 articles) mis en place par le traité signé à Maastricht en 1992 et modifié ensuite par les traités d’Amsterdam (1997) et de Nice (2001) ;
le traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE) (358 articles) : anciennement traité instituant la Communauté européenne (TCE), établi par le traité de Rome de 1957 et modifié plusieurs fois par l’Acte unique européen (1986), et les traités de Maastricht, d’Amsterdam et de Nice. S’y ajoutent 13 nouveaux protocoles et 65 déclarations : les protocoles ont une valeur juridique identique au texte des traités ; les déclarations n’ont qu’une portée politique.
Plusieurs modifications importantes introduites par le traité de Lisbonne ont été reprises du traité constitutionnel de 2004 :
disparition de la structure en trois piliers (Communauté européenne, politique étrangère et de sécurité commune-PESC, coopération policière et judiciaire en matière pénale) qui impliquait des procédures de décision différentes selon les piliers : l’Union européenne se substitue à la Communauté européenne qui disparaît, mais des processus décisionnels particuliers demeurent néanmoins dans certains domaines (ex : PESC) ;
rénovation du cadre institutionnel : le Conseil européen devient une institution à part entière, son président est élu pour deux ans et demi renouvelables une fois, le Parlement voit ses pouvoirs renforcés… ;
reconnaissance explicite de la personnalité juridique de l’UE (art. 47 TUE), ce qui lui permet de conclure des traités ou d’adhérer à des conventions. Certes, dans les faits, la doctrine la reconnaissait généralement déjà à l’Union, puisqu’elle avait déjà conclu des accords avec des États tiers ;
extension de la possibilité d’engager des coopérations renforcées, à condition qu’y participent au moins neuf des États membres.
obtention de nouveaux droits pour les citoyens et les Parlements nationaux.
Néanmoins, des différences existent entre le traité de Lisbonne et le traité constitutionnel :
le vocabulaire évoquant une démarche constitutionnelle (lois européennes, ministre des Affaires étrangères…) n’est pas conservé. De même, le traité ne mentionne plus les symboles de l’Union (drapeau, hymne, devise européens, journée de l’Europe) ;
la Charte des droits fondamentaux n’est plus intégrée directement dans le traité, elle est mentionnée dans l’article consacré aux droits fondamentaux (art. 6 TUE) qui lui reconnaît la même valeur juridique que celle des traités ;
la « concurrence libre et non faussée » ne figure plus dans la liste des objectifs de l’Union.


III. Les frontières de l’UE: à ne pas négliger

Selon l’article 49 TUE, « Tout État européen qui respecte les valeurs visées à l’article 2 et s’engage à les promouvoir peut demander à devenir membre de l’Union ». Deux critères sont ainsi posés : l’un géographique, le second politique ou idéologique. Mais si cet article 2 et plusieurs autres énumèrent ensuite ce que sont les valeurs européennes –au demeurant affirmées dans quantité de textes antérieurs, aucune définition géographique de ce que l’on entendait par Europe n’est donnée et ne l’a jamais été depuis le début de la construction européenne.
La géographie
La division multicentenaire de la surface terrestre en continents est certes communément admise, mais où se situent précisément les frontières de l’Europe ? Si les frontières occidentales et méridionales sont les mieux identifiées avec l’océan Atlantique – mais le Royaume-Uni ? mais l’Irlande ? mais l’Islande ? mais le Groenland ? – et la Méditerranée – mais Malte ? mais Chypre ? –, la frontière orientale est fort problématique. La formule de Paul Valéry, qualifiant le Vieux continent de "petit cap du continent asiatique", atteste l’absence de barrière physique évidente du côté de l’Orient. Dans le bloc de l’ "Eurasie", où se situent donc les fins et les commencements ? Vers la fin du XVIIe siècle, Vassili Tatichtchev, historien et géographe à la cour du tsar Pierre le Grand, pour répondre au projet du tsar d’européaniser la Russie, proposait l’Oural comme limite orientale de l’Europe. mais ces monts qui ne culminent qu’à 1 900 m n’ont pas représenté une ligne structurante pour l’édification de l’empire russe. La plaine qui s’étend entre la mer Caspienne et les monts Oural, ou encore le Caucase accroissent la perplexité pour décider d’un partage.
S’agissant de la Turquie, en revanche, le Bosphore et la mer de Marmara séparent, pour le géographe, son petit territoire européen, constitué de la Thrace orientale, de l’Anatolie asiatique qui représente 97% de la surface du pays.
L’histoire
Mais, comme le montrent bien les discussions à propos de l’entrée de la Turquie dans l’Union européenne (UE), ce sont évidemment les considérations historiques, culturelles et politiques qui donnent sa substance au débat.
Ce que l’on a appelé et ce que l’on appelle l’Europe ne relève pas d’un déterminisme géographique, mais renvoie à l’histoire. Le substrat gréco-latin, le legs judéo-chrétien ont forgé une identité, et les clivages monde catholique/monde orthodoxe, chrétienté/islam ont distingué des aires de civilisation. De plus, depuis le XVIIIe siècle, la plupart des États appartenant à l’UE ont connu, avec des temporalités et des intensités diverses, des évolutions historiques voisines : mouvement des Lumières, révolutions, naissance de l’État moderne, industrialisation, apparition des démocraties et confrontation de celles-ci avec des régimes dictatoriaux ou totalitaires, deux guerres mondiales, naissance de l’État-providence... Ou à tout le moins, compte tenu notamment de la fracture Est/Ouest de la seconde moitié du XXe, se sont-ils situés par rapport à elles. Les grands courants artistiques ont bien évidemment contribué eux aussi à l’affirmation de sensibilités partagées.
La candidature de la Turquie – celle du Maroc présentée en 1987 a été refusée – confère une brûlante actualité à cette question d’une définition de ce qui est européen et de ce qui ne l’est pas. Lié à la Communauté économique européenne par un accord d’association en 1963, ce pays s’est vu reconnaître le statut de candidat officiel en décembre 1999, lors du Conseil européen d’Helsinki, et en décembre 2004, les chefs d’État et de gouvernement des Vingt-Cinq ont décidé d’ouvrir des négociations d’adhésion.avec Ankara le 3 octobre 2005. Le fait que la Turquie soit un pays musulman – mais sa Constitution affirme que l’État est laïc – ne peut être un obstacle à son adhésion, le traité de Lisbonne ne comportant au demeurant aucune référence à une religion particulière. Le respect des critères dits de Copenhague, parmi lesquels le respect concernant l’État de droit et la garantie des droits de l’homme, est en revanche un critère essentiel pour juger d’une possible adhésion de ce pays dont les progrès en matière de démocratisation ont été indéniables au cours des dernières années.
Si cette candidature turque a semblé recevoir l’aval des États européens depuis plusieurs décennies, cela s’explique notamment par le rôle qu’a joué la Turquie, de par sa position géographique stratégique et son adhésion à l’OTAN, lors de la Guerre froide. On peut aussi faire valoir aujourd’hui l’intérêt qu’il y aurait à ce qu’un pays musulman, doté d’institutions démocratiques, entre dans l’UE. Mais il est aussi possible d’objecter que son entrée serait difficilement compatible avec l’objectif d’une Europe puissance, laquelle a bien du mal déjà à progresser, et que si l’Europe est un espace politique qui a potentiellement vocation à s’étendre, il conviendrait d’abord de le stabiliser pendant un certain temps pour qu’il s’affirme pleinement.
En France, la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008 a modifié l’article 88-5 de la Constitution. Il permet désormais de choisir, pour ratifier l’adhésion d’un État à l’UE, entre le référendum (qui était la voie obligatoire depuis la révision constitutionnelle du 1er mars 2005) et le vote du Parlement réuni en Congrès.
Quoi qu’il advienne de ce débat concernant la Turquie, remarquons encore ici la prééminence indiscutable de la politique sur la géographie pour décider des frontières de l’Union européenne.
L’Union européenne : des frontières destinées à s’étendre ?
Par la suite, si l’on considère que le but, ou du moins l’une des vertus principales, de l’UE est de garantir la paix du continent, il paraît légitime de chercher à en repousser le plus loin possible les frontières. À cet égard, le succès de l’élargissement aux pays d’Europe centrale et orientale n’a pas manqué de susciter l’intérêt des nouveaux voisins de l’UE.
Cinq États ont officiellement le statut de candidat : l’Albanie, la Macédoine (ancienne République yougoslave de Macédoine), le Monténégro, la Serbie et la Turquie. L’Islande a retiré sa candidature en mars 2015.
Pour la Turquie, les négociations pour l’adhésion ont commencé en octobre 2005. Elles piétinent depuis 2008, à la fois en raison de blocages du côté turc – notamment sur la question de Chypre et sur la liberté d’expression –, mais aussi du fait du manque d’empressement de certains États membres de l’UE.
D’autres pays sont en attente d’obtenir le statut d’État candidat : la Bosnie-Herzégovine et le Kosovo.
Avec l’Ukraine, autre voisin de l’Union, l’UE doit définir clairement les relations qu’elle souhaite nouer avec ce pays, mais aussi avec la Russie. Désire-t-on établir un partenariat économique ou envisage-t-on aussi un élargissement à ces pays, auquel cas les frontières de l’Union seraient alignées sur celles du Conseil de l’Europe sous réserve d’admettre les États du Caucase (Géorgie, Arménie, Azerbaïdjan).
L’UE a déjà mis en place un processus de stabilisation et d’association dans les Balkans. Ce processus, à la fois bilatéral et régional, vise à créer un climat de confiance entre les Républiques de l’ex-Yougoslavie, seul à même de stabiliser la région et de leur apporter la croissance économique. La perspective de rejoindre à terme la grande famille des démocraties européennes constitue une source de motivation supplémentaire. L’Albanie (candidature en avril 2009), le Monténégro (candidature en décembre 2008), la Bosnie-Herzégovine et le Kosovo sont des « candidats potentiels » à l’adhésion.
Enfin, des États comme la Norvège ou la Suisse, qui ont jusqu’à présent préféré rester en marge de l’Union, pourraient être tentés d’en devenir membres. En effet, ces pays sont tenus de respecter dans leurs échanges commerciaux les réglementations européennes sans avoir la possibilité de peser sur leur contenu lors de leur adoption. L’adhésion ne pourrait de ce point de vue que leur profiter.

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