Cinquante nuances de règlement judiciaire international: la Cour internationale de justice
Le règlement judiciaire se différencie de l’arbitrage par le caractère permanent de l’organe judiciaire, qui est préconstitué, existe en dehors des parties et fonctionne selon un statut et un règlement intérieur propres.
Il existe plusieurs juridictions spécialisées dont les compétences sont restreintes:
- Tribunal International du droit de la mer (TIDM) dans le cadre de la Convention de Montego Bay du 10 déc. 1982
- Organe de règlement des différends (ORD) de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) qui tranche les litiges commerciaux entre les membres de l’organisation
- Cour de justice de l'Unione européenne (CJUE) à Luxembourg) et Cour européenne des droit de l'homme (CEDH) à Strasbourg
Mais la Cour internationale de justice (CIJ) est la seule juridiction internationale à caractère universel et à compétence générale. Elle est héritière de la Cour permanente de justice internationale (CPJI) créée par le Pacte de la Société des Nations et dont le Statut de 1920, distinct du Pacte, est entré en vigueur en 1921. Entre les deux guerres, la CPJI a rendu une trentaine d’arrêts et presque le même nombre d’avis consultatifs.
La CIJ est l’organe judiciaire principal des Nations Unies. Son Statut est annexé à la Charte dont il fait partie intégrante (art.92).
« Tous les membres des NU sont ipso facto parties au Statut de la CIJ ».
(Charte, art.93)
Attention, cela ne veut pas dire qu’ils acceptent tous la compétence de la Cour.
Le statut est complété par le Règlement adopté par la Cour elle-même (Statut, art.30), le 14 avril 1978 et amendé à maintes reprises.
La CIJ est composée de 15 juges représentant divers systèmes juridiques et choisis aussi selon une certaine représentation géographique. Ils sont élus par un vote de l’AG et du CS, à la majorité absolue à chaque fois. Les candidats sont présentés par des groupes nationaux et élus pour 9 ans, renouvelables par tiers pour les trois ans. Ils sont rééligibles, ce qui assure en pratique stabilité et continuité.
Ils sont choisis indépendamment de leur nationalité, parmi des personnes qui jouissent de la plus haute considération morale et qui réunissent les conditions requises pour l’exercice des plus hautes fonctions judiciaires ou qui sont des juris-consultes possédant une compétence notoire en DI. Ils sont irrévocables et bénéficient de privilèges et immunités afin de garantir leur indépendance et impartialité. Ils peuvent démissionner avant la fin de leur mandat.
Lorsqu’un État partie à un différend devant la Cour n’a pas de juge de sa nationalité, il peut désigner un juge ad hoc qui n’a pas nécessairement sa nationalité (Statut, art.31). Cette institution introduit dans un mécanisme préconstitué une souplesse qu’on trouve habituellement dans l’arbitrage international: elle permet d’assurer à la partie qui n’a pas de juge de sa nationalité que son point de vue sera pris en compte.
La CIJ siège à La Haye. Ses langues de travail sont l’anglais et le français. Elle nomme pour 3 ans son Président et son Vice-Président qui sont les deux rééligibles, et son Greffier (Statut, art.21). Elle siège habituellement en séance plénière (un quorum de 9 juges est suffisant, Statut, art.25). Elle peut aussi décider de constituer des chambres restreintes temporaires ou permanentes (Statut, art.26).
La CIJ siège à La Haye. Ses langues de travail sont l’anglais et le français. Elle nomme pour 3 ans son Président et son Vice-Président qui sont les deux rééligibles, et son Greffier (Statut, art.21). Elle siège habituellement en séance plénière (un quorum de 9 juges est suffisant, Statut, art.25). Elle peut aussi décider de constituer des chambres restreintes temporaires ou permanentes (Statut, art.26).
La Cour peut constituer également une chambre permanente pour juger de certaines catégories d’affaires (Statut, art.26§1). Par ex., en 1993, elle avait créé une chambre pour les questions environnementales, régulièrement reconstituée jusqu’en 2006, mais qui n’a jamais été saisie par les États.
L’art.29 du Statut dispose que la Cour compose annuellement une chambre de cinq juges appelée à statuer en procédure sommaire lorsque les parties le demandent. Cela permet de traiter plus rapidement les affaires, mais elle aussi, jamais saisie par les parties.
Enfin, la Cour, peut, à la demande des parties, constituer des chambres ad hoc pour connaître d’une affaire déterminée. Elle consulte les parties en ce qui concerne le nombre des juges et aussi le nom des juges (mais officieusement). Six affaires ont été portées devant les chambres ad hoc (Délimitation maritime dans la région du golfe du Maine 1982, Différend frontalier entre Bénin et Niger 2002…)
Pour assurer son fonctionnement administratif, la Cour est assistée de Commissions et Comités composés de juges, commission administrative et budgétaire, comité de la bibliothèque, comité du règlement.
Cette juridiction a toujours fait couler beaucoup d'encre parmi la doctrine internationale en raison, par exemple, de sa prudence dans l'affirmation de certains principes ou dans des situations sensibles ou de sa dernière tendance à l'arbitralisation, voire au rapprochement des procédures arbitrales.
Le droit international « reste à l’état fluide et demeure réfractaire à une pénétration de techniques juridiques le poussant vers la régularité de la règle. Il reste fortement fluctuant, marqué du fer rouge par les facteurs et les contingences politiques ».
C’est ici toute l’originalité de la fonction judiciaire internationale qui se tourne inévitablement vers le monde du non-droit, mais également de la nécessité d’opérer des choix entre des conceptions différentes de juger.
La fonction de juge varie selon l’ordre juridique dans lequel il agit.
Si dans les systèmes de Common Law, le juge peut, sans surprendre, créer du droit, les systèmes civilistes ont une approche beaucoup plus critique à l’égard d’une telle attitude dans la fonction judiciaire et craignent le gouvernement des juges. Cette fonction de juger « est nulle, parce que la fonction du juge est de tirer la conclusion d’un syllogisme, dont la loi, qui est la prémisse majeure et le fait la mineure ».
Quid du juge international ?
Est-il alors, quant à lui, un juge « engagé » ou un juge serviteur du droit des Etats ?
Le juge international adoptera-t-il une méthode audacieuse ou demeurera-t-il davantage prudent dans la conception de sa mission ?
La réponse à ces interrogations est indispensable et son ouverture au monde extérieur et au non-droit, à la lumière de ce qui précède, est révélateur à ce sujet.
Malgré l’œil attentif des Etats derrière ses jugements, sa fonction judiciaire dispose aujourd’hui d’une marge de manœuvre beaucoup plus importante. Si les juges sont, en effet, appelés « à opérer entre ce que chacun qualifie à sa guise de droit international nouveau et de droit international ancien, ou encore, entre l’interprétation statique et l’interprétation dynamique, il est certain que la marge d’erreur est devenue beaucoup plus considérable que par le passé».
C’est ainsi que certaines décisions seront plus audaces et dynamiques, notamment en matière consultative et souvent plus prudentes en matière contentieuse car subordonnées à l’accord indispensable des Parties, malgré des efforts considérables d’innovation.
Plusieurs difficultés peuvent donc être rencontrées par le juge international dans l’exercice de sa fonction, notamment liées à la nature de la norme, aux exigences formelles et statutaires, mais aussi aux caractères spécifiques du droit international, souvent trop statique par rapport à une société changeante et en constante évolution.
L’organisation judiciaire reflète le monde qu’elle régit et « est ainsi à l’image de la société dont elle a pour vocation de régir les rapports – elle lui emprunte et les qualités et les insuffisances ». Dans un « ordre à peine hiérarchisé sans doute, avec une différenciation des normes entre elles beaucoup plus rudimentaire que dans l’ordre interne, et parfois sans différenciation du tout », les juges devront alors accomplir des efforts importants en vue d’« harmoniser le droit international avec les exigences de la vie actuelle ».
Or, la fonction judiciaire est, par définition, liée au droit mais, la constatation d’imprécisions, désuétudes, silences ou lacunes de la norme juridique, qualifiée pour ces raisons de « primitive », souvent s’impose et oblige le juge à y faire face pour éviter un déni de justice, tout en devant se limiter à ne pas franchir les limites qui lui sont imposées pour ne pas être reproché d’agir en législateur international. Le juge devra alors sortir « de son rôle classique de technicien du droit pour participer activement au maintien de l’intégrité du système ».
Certes, «la Cour doit se contenter de dire le droit", mais, lorsque dans un domaine particulier celui-ci présente des imperfections on ne saurait s’étonner que celles-ci se reflètent dans la réponse de la Cour à une question donnée et laissent une possibilité aux juges de prendre en considérations de facteurs divers.
En effet, « le droit se développe en équilibrant une double exigence, l’une d’ordre systématique, l’élaboration d’un ordre juridique cohérent, l’autre pragmatique, la recherche de solutions acceptables parce que conformes à ce qui paraît être juste et raisonnable ».
Le règlement judiciaire international ainsi assuré par la Cour de la Haye est très polychrome et riche de nuances car elle est toujours à la recherche d'un équilibre entre le consensualisme de l'État et une nécessaire évolution d'un droit parfois vetuste et inadapté.
Si ces questions vous intéressent, le livre "Entre droit et non droit dans la jurisprudence internationale" pourra vous éclairer davantage.
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