La "diplomatie préventive" ou le règlement pacifique des différends internationaux

Le règlement pacifique des différends est plus large que la notion d’application du Droit International: certaines modes de règlements sont mis en œuvre, sans nécessairement faire appel à des normes internationales.

L’enjeu du règlement des différends n’est pas le respect des règles mais de véritablement mettre fin à un conflit souvent de nature politique.

L’obligation de règlement pacifique des différends (RPD) est relativement récente. Elle a commencé à émerger fin XIXe siècle avec la Convention de La Haye, convention pour les règlements pacifiques des différends internationaux. Mais elle se contente d’inciter les Etats à ne pas recourir à la force.

Des efforts de réflexion sur l’obligation de Règlement Pacifique des Différends sont à relier avec l’interdiction de l’emploi de la force. En conséquence, le véritablement tournant en matière de Règlement Pacifique des Différends est 1945, art.2§4 de la Charte des Nations Unies interdit l’usage de la force. Il est précédé d’un §3 : règlement des différends internationaux par des moyens pacifiques. Il est plus détaillé à l’article 33 de la Charte.

Malgré le principe posé, le Règlement Pacifique des Différends obéit à deux principes généraux :
·         Le consentement au Règlement Pacifique des Différends : on ne peut pas user ou menacer d’user de la force. Mais rien n’oblige à régler un différend.
·         Le consentement aux moyens du règlement : c’est ce qu’énonce l’article 33. Il énumère les moyens (négociation, enquête, arbitrage etc.), mais l’essentiel est que le règlement soit pacifique.

Cette liberté fondamentale qu’ont les Etats de régler un différend et d’en choisir les moyens ne peut être limitée que par des accords spécifiques, qui vont prévoit le moyen de régler les différends. De plus en plus souvent, des traités vont contenir des clauses compromissoires ou de règlement des différends, qui vont préciser les moyens que devront utiliser les parties en cas de différend relatif à l’application/interprétation du présent traité.

La limitation est encore plus grande lorsqu’un accord prévoit un mode de règlement des différends. L’exemple le plus illustratif du mode de règlement obligatoire concerne les accords de Marrakech : en cas de différend relatif à un des accords sur commerce, le recours à l’organe de Règlement Pacifique des Différends de l’OMC est le moyen exclusif et obligatoire des différends. Cette limitation résulte d’un consentement de l’Etat. Au moment où il entre à l’OMC, il accepte le mode de Règlement Pacifique des Différends. Hormis cette hypothèse, c’est la liberté de choix qui s’impose.

L’article 33 énonce une liste de règlement. La doctrine s’est interrogée sur la question de savoir s’il y avait une gradation dans cette énumération de l’article 33. On s’est rendu compte que ce n’est pas le cas, même s’il peut exister des clauses dans lesquelles on essaie d’abord de négocier, en cas d’échec, on va plus loin.

Il y a une logique à ce qu’ils précèdent les modes juridictionnels : elle tient à la nature du règlement juridictionnel (arbitrage, recours judiciaire). Le règlement juridictionnel aboutit à un résultat obligatoire, alors que les autres ne sont que des propositions. Le caractère obligatoire résultera du traité que les Etats auront choisi de conclure mais pas du règlement. Le règlement non juridictionnel ne peut donc pas arriver après le règlement juridictionnel.

Il n’y a pas non plus de chronologie au sens strict : une fois qu’un organe juridictionnel est saisi, rien n’interdit aux parties de continuer à tenter de parvenir à un règlement politique. Parfois, ce règlement est encouragée par la Cour permanente de justice : arrêt de l’affaire des zones franches de 1969 : « le règlement judiciaire des conflits internationaux (…) n’est qu’un succédané (moyen utilisé à la place d’un autre moyen meilleur) aux règlements directs et amiables entre les parties », ce qui prouve le  caractère imparfait du règlement judiciaire. Pour régler un différend, il est préférable que les parties se mettent d’accord.

La Cour va même jusqu’à inciter les Etats, comme par exemple dans l'affaire du passage par le grand Belt, opposant la Finlande et le Danemark, divisé entre deux péninsules. Il avait été envisagé de construire un pont au dessus du grand Belt pour relier les deux péninsules. Mais la construction du pont avait pour conséquence que certains navires ne pouvaient plus utiliser le passage, et privait ainsi  la Finlande de certains de ses droits de navigation en haute mer et commerciaux.
La Cour avait ainsi fait une demande en indication conservatoire (destinée à laisser les prétentions en l’état, et ne pas les aggraver). Elle avait ordonné le Danemark de cesser ses travaux jusqu’à ce que la Cour se soit prononcée. Au moment où la Cour avait rendu son ordonnance en juillet 1991, elle avait tout aussi incité les parties à régler leur différend par les négociations.

La déclaration de 1983, résolution de l’Assemblée Générale de l’ONU, énonce que l’essentiel dans tout règlement des différends, juridictionnel ou non, est l’acceptabilité de la décision: on doit parvenir à une solution acceptable.

Le Règlement Pacifique des Différends obéit à une logique totalement différente : le juge n’est pas l’image indépassable et parfaite du Règlement Pacifique des Différends.

La dualité des modes de règlement induit-elle alors une dualité des différends ? Il y a, dans tous les cas, interdiction d’usage de la force, mais il y a des différends qui sont susceptibles de mettre en péril la sécurité et la paix internationales.

Il n’y a pas de distinction entre les différends politiques et juridiques, puisqu’il peut y avoir un différend juridique, mais tout différend politique contient des aspects juridiques. C’est là que la Cour intervient pour trancher les aspects juridiques d’un différend.

Le règlement juridictionnel aboutit forcément à un résultat obligatoire, et ce pour une raison simple : ce règlement se fait par application du droit. Il est normal que lorsqu’un différend est tranché en fonction de la règle de droit, la conséquence naturelle soit l’obligation du règlement. Quant au mode non juridictionnel, il n’est pas limité : le droit ne sera qu’une donnée parmi d’autres. On va éventuellement écarter une règle de droit parce que dans le contexte il vaut mieux l’écarter pour parvenir à une solution. La règle de droit est prise en considération par rapport aux chances de succès de la négociation. Elle joue un rôle mais qui n’est pas exclusif.

LES PROCÉDURES EXTÉRIEURES AUX ORGANISATIONS INTERNATIONALES

Il s'agit des procédures ordinaires, diplomatiques.
Ces procédures sont avant tout utilisées pour les conflits mineurs ou pour les conflits trop importants pour permettre l’intervention d’une organisation internationale.

On connaît l’entente directe par voie de négociation diplomatique: intervention de diplomates ou d’hommes politiques, se déroulant généralement dans le secret; l’intervention d’un tiers sous forme de bons offices ou de médiation. Les bons offices visent essentiellement à faciliter la reprise des négociations entre les parties. Le médiateur va plus loin, en proposant les bases d’un accord. (ex : 1984 : médiation du pape à propos d’un conflit territorial entre l’Argentine et le Chili).

Mais il y a aussi des procédures instituées
De nombreux traités instituent eux-mêmes leur méthode de règlement des conflits.
On distingue souvent trois procédés / étapes : l’enquête, la conciliation et l’arbitrage.

1) L’enquête. Elle permet une connaissance exacte des faits, en dégageant, les causes, les conséquences, et en établissant les responsabilités. L’organe d’enquête est composé de nationaux des Etats en litige et de tiers choisis en fonction de leurs compétences. Il existe des commissions permanentes et spéciales. L’intervention de l’organe d’enquête a généralement un effet moratoire.
La procédure d’enquête se généralise en rapport avec l’intervention des organisations internationales (ONU, OIT, OEA).

2) La conciliation. Elle voit l’intervention d’une commission composée de personnes ayant la confiance des parties (nationaux et tiers) en vue de mettre d’accord les adversaires à la suite d’une procédure contradictoire. Les effets de l’intervention de la commission dépendent du mandat confié à la commission par les parties. La commission de conciliation rend un rapport qui n’a en tous cas pas de caractère obligatoire. La procédure de conciliation peut être engagée alors qu’une procédure d’arbitrage est lancée.

3) L’arbitrage, qui a pour but de régler un litige par des juges choisis par les parties.
Les avantages de cette procédure sont sa souplesse, le contrôle que conserve les Etats sur le contentieux (ils décident de la publicité ou non des débats), ainsi que sa simplicité et sa rapidité.
L’arbitrage, d’origine ancienne (forme de règlement des conflits entre les cités grecques), est présent dans de multiples conventions internationales, comme celle de La Haye (1907). Il peut se détacher du pur respect du droit pour utiliser des règles générales du droit voire pour statuer en équité si les parties l’y autorisent. Contrairement aux rapports des commissions de conciliation, les sentences arbitrales ont un caractère obligatoire, certes sans effet sur les tiers.
L’arbitrage est utilisé pour le règlement des litiges techniques, mais peu pour les litiges politiques, ou il est souvent inefficace.


LES PROCÉDURES DANS LE CADRE D’UNE ORGANISATION INTERNATIONALE

Le règlement pacifique des différends entre les Etats membres relève de la mission de toute organisation internationale, même en l’absence de mécanismes formels.
Pratiquement, l’action des organisations internationales tend plus à limiter et à transformer les conflits qu’à les éliminer véritablement. De plus en plus souvent, des organisations internationales se trouvent impliquées dans des conflits d’ordre interne (guerres civiles). Les organisations internationales peuvent participer à des procédures isolées vues dans le I). Par exemple, on connait des commissions de bons offices, de médiation ou de conciliation des Nations Unies.

Le système de règlement des conflits de la Charte des NU est prévu aux articles 33 et 37.
L’ONU tente d’assumer une triple mission : prévenir les différents internationaux ; régler ceux qui peuvent surgir ; prendre des mesures de police pour empêcher ou faire cesser le recours à la force.

1) Les mécanismes de la Charte.

L’Assemblée et le Conseil peuvent être saisis par un Etat, se saisir mutuellement et le Secrétaire général peut saisir le Conseil.

Les deux organes ont un pouvoir d’enquête, de discussion et de recommandation, mais seul le Conseil a un pouvoir d’action en cas de menace contre la paix, de rupture de la paix ou d’acte d’agression (domaine d’application du chapitre VII). Dans ce cadre, le Conseil a agi une douzaine de fois. Dans un cadre strict (Irak 1990 1991 ; Yougoslavie 1992 1995), et dans un cadre étendu (ex : contre la politique d’apartheid en Afrique du Sud en 1977 ; en cas de troubles internes au Kosovo en 1998, en Afghanistan en 2001).

En principe, l’Assemblée ne doit pas empiéter sur les attributions du Conseil lorsque celui-ci a été saisi. Mais si le Conseil est paralysé, l’Assemblée peut se substituer au Conseil, avec seulement un pouvoir de recommandation (résolution Acheson 1950)

2) La pratique des Nations unies.
La multiplication des organes subsidiaires et extension du rôle de l’ONU. dans ce cadre, de nombreuses commissions d’enquête, de bons offices ou de médiation sont crées pour répondre à des problèmes spécifiques. Force est de constater alors l'importance des opérations des maintien de la paix de deuxième génération (désarmement, organisation d’élections, administration temporaire…), voire de « troisième génération », dans des situations internes de nature à influencer le maintien de la paix (mission d’observateurs pour vérifier la régularité des élections au Nicaragua 1989 1990 ou au Cambodge 1992 ; intervention à titre préventif en Macédoine 1992 1999).

Le secrétaire général disposera alors d'un rôle relativement actif. Non par hasard, il a obtenu le Prix Nobel de la paix pour l’ONU en 2001, il a réussi de nombreuses missions de bons offices, confiées par l’Assemblée ou le Conseil.
Dag Hammarskjöld (1960’s) et Boutros-Ghali (1990’s) insistaient d'ailleurs sur la nécessité de mettre en œuvre une diplomatie préventive dans le cadre duquel le secrétaire général aurait eu une fonction centrale. C'est ainsi qu'en 1992 le « département des affaires politiques » du secrétariat général a été créé.



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