L'actuelle organisation du commerce mondial est-elle réellement efficace?

La libéralisation et l'augmentation des échanges conduisent à des gains mutuels pour les pays participants. Cependant, des comportements opportunistes et protectionnistes peuvent se développer.

Les enjeux d'une organisation structurée du commerce international consistent surtout à limiter et à encadrer ces pratiques en fixant des règles collectives.


Résultat de recherche d'images pour "organisation commerce mondial"

Le marché mondial est le lieu de rencontre, réel ou fictif, de l’offre mondiale et de la demande mondiale des biens et services. Cette rencontre donne lieu à un échange de biens et services, et à un prix. Le marché des biens et services revêt un caractère mondial : tous les pays peuvent échanger entre eux des biens ou des services et il y a convergence des prix vers un prix mondial. Cela est possible grâce au processus de libéralisation des échanges : de plus en plus de pays s’ouvrent au commerce mondial, notamment par la suppression des barrières tarifaires et non-tarifaires…, car les pays peuvent tirer de nombreux avantages de cette ouverture : du côté de l’offre, la libéralisation de l’économie a tout d’abord un impact positif sur la croissance : mécaniquement, les échanges de biens et services augmentent chaque fois qu’un pays ouvre son économie (puisque les consommateurs ont accès à de nouveaux produits). Ensuite, le libre-échange stimule l’innovation : les entreprises nationales étant confrontées à la concurrence internationale, elles vont devoir s’adapter et innover pour rester compétitives; du côté de la demande, la libéralisation de l’économie favorise le rattrapage des pays moins avancés : l’ouverture des économies tend à faire converger les rémunérations des facteurs de production selon la théorie HOS (Heckscher-Ohlin-Samuelson). Ainsi, un pays en développement qui s’ouvre aux échanges verra son salaire moyen augmenter du fait de la rareté relative du facteur capital, ce qui contribue à stimuler la demande mondiale de biens et services via l’augmentation du pouvoir d’achat.

Ainsi, la libéralisation du commerce mondial doit conduire à une augmentation des échanges de biens et services (effets positifs sur l’offre et sur la demande), et ainsi stimuler la croissance mondiale.

Le but du libre-échange est donc de promouvoir une concurrence ouverte et loyale sur de vastes marchés, sans obstacles ou discrimination en luttant contre les pratiques déloyales comme les subventions ou le dumping.


Si la libéralisation du commerce mondial doit conduire à des gains mutuels pour chaque pays participant aux échanges, il n’en reste pas moins vrai que chaque pays peut être tenté, individuellement, d’adopter un comportement opportuniste. Ainsi, dans une situation de libre-échange, un pays peut avoir intérêt à adopter des mesures protectionnistes pour profiter des avantages du libre-échange, sans en supporter le coût, sans diminuer donc ses barrières tarifaires et non tarifaires. Les partenaires de ce pays seraient alors perdants et opteraient pour un comportement opportuniste, par mesure de rétorsion. Le risque est de passer à une situation de protectionnisme généralisé.

Puisque le libre-échange ne s’impose pas de lui-même car il est nécessaire que les pays décident de libéraliser leur économie et qu’il existe un risque de comportement opportuniste, la solution pour garantir la stabilité des échanges est d’imposer le libre-échange. C’est précisément le rôle de l’OMC, l'Organisation mondiale du commerce.

La création de cette organisation internationale a ainsi été pensée comme une solution multilatérale pour offrir un cadre pour les négociations multilatérales relatives au commerce mondial. Elle édite des règles qui ont pour objectif d'inviter les États à établir le libre échange et à lutter contre les barrières commerciales.

L’Organisation mondiale du commerce (OMC) est avant tout un cadre de négociations multilatérales, c’est-à-dire un lieu où se réunissent 164 pays pour négocier des règles applicables à tous, afin d’aboutir à davantage de liberté d’échange. Autrement dit, c’est une organisation internationale dont le rôle est de promouvoir le développement des échanges de biens et services, et de garantir la stabilité des échanges.

Pour développer les échanges de biens et services, l’OMC se base sur le principe de la négociation : la principale activité de l’OMC est d’organiser des cycles de négociations, appelés Rounds, c’est-à-dire des rencontres entre les pays membres afin qu’ils puissent fixer des règles. De ces négociations émergent les Accords de l’OMC, c’est-à-dire des contrats négociés entre les États, qui vont dans le sens d’une réduction des entraves au libre-échange (baisse des barrières tarifaires et non tarifaires pour stimuler les échanges de biens et de services).

Depuis la création de l’OMC en 1995, succédant au GATT – General Agreement on Tariffs and Trade, de nombreux cycles de négociations se sont succédé.

Par exemple, le cadre du programme pour le développement de Doha (ou « cycle de Doha »), visait la libéralisation des échanges dans divers domaines :

–  produits agricoles : les pays du Sud accusent les pays du Nord de protéger leurs producteurs par des subventions et d’imposer des normes sanitaires trop exigeantes ;

–  produits industriels : les négociations portent sur les droits de douane sur le textile, et sur l’impact sur l’environnement, mais elles sont bloquées car les pays du Sud réclament une libéralisation des produits agricoles avant de négocier sur les produits industriels ;

–  services : les négociations sont balbutiantes mais devraient concerner les services financiers, les télécommunications et les ADPICS (Aspects des droits intellectuels qui touchent au commerce).

–  questions de Singapour (thèmes de négociation en suspens : investissement, concurrence, marchés publics et facilitation du commerce).

Au-delà de l’objectif premier qui est, comme on vient de le voir, de promouvoir les échanges de biens et services, l’OMC se fixe deux objectifs intermédiaires : une plus grande égalité des échanges d’une part, et une plus grande équité d’autre part.

D’une part, l’OMC vise l’égalité : les règles qui sont négociées doivent mener à des accords qui donnent les mêmes droits et les mêmes devoirs aux pays membres. Pour cela, l’OMC a mis en place la clause de la nation la plus favorisée (ou principe de non-discrimination) : si un pays accorde une faveur commerciale à un partenaire, cette règle doit s’appliquer à tous les autres partenaires du premier pays. Toutefois, il existe des exceptions à cette clause (notamment avec les groupements régionaux : Union européenne par exemple). En cas de désaccord entre les pays, l’OMC a instauré l’Organe de règlement des différends (ORD), qui garantit l’application et le respect des droits de chaque pays. Le but de l’ORD est de favoriser le règlement amiable des conflits entre pays membres via la consultation d’un groupe d’experts.

D’autre part, l’OMC vise l’équité : les règles négociées doivent tenir compte des spécificités de chaque pays (niveau de développement, objectifs de politique nationale). Pour protéger les pays en difficulté (pays en développement en général), l’OMC a mis en place plusieurs mesures : clauses de sauvegarde (suspension des règles en cas de difficulté), mesures de discrimination positive en faveur des PED, aide technique aux pays en difficulté.

L'OMC est donc le lieu privilégié des négociations commerciales multilatérales mais de nombreuses limites à la gouvernance des échanges mondiaux sont rencontrées dans le fonctionnement et donc dans l'efficacité de ce modèle organisationnel.

On peut en effet rencontrer des problèmes relevant du fonctionnement même de l’OMC, et ceux qui sont liés aux accords régionaux.

D'une part, le fonctionnement de l’OMC connait trois types de limites : un problème de coordination, un élargissement des thèmes de négociation assez problématique et la non ouverture à la société civile.

Pour ce qui est du premier problème, la coordination, il est important de comprendre que, selon le mode de fonctionnement de l’OMC, les négociations doivent aboutir à un consensus ; or, avec 164 membres, la recherche d’un consensus freine la conclusion des accords ;

Pour ce qui est, ensuite, de l’élargissement des thèmes de négociation pose problème, si, au départ, l’OMC ne s’intéressait qu’à la libéralisation du commerce des biens, aujourd’hui les négociations portent sur des sujets plus sensibles et sont donc source de tensions (services, questions de Singapour: domaines initialement réservés à l’État…) ;

Enfin, les ONG (organisations non gouvernementales) reprochent à l’OMC son manque d’ouverture à la société civile et déplorent l’absence de représentants directs des citoyens : seuls les États sont représentés au sein des négociations à l’OMC. En raison de ces reproches, l'OMC a introduit dans son mode de fonctionnement, la procédure de l'amicus curiae.


D'autre part, et au-delà des limites liées à la gouvernance interne de l’OMC, la multiplication des accords bilatéraux pose problème. Un accord bilatéral est un accord conclu entre deux pays appartenant à la même zone géographique afin de faciliter le commerce des biens et services. Le terme ACR (accords commerciaux régionaux) est souvent employé pour souligner le caractère local ou régional de ces accords.

Depuis la création de l’OMC en 1995, de nombreux ACR ont été conclus (on en dénombre plus de 150 aujourd’hui), et ce phénomène concerne tous les continents. Les quatre principaux ACR sont l’Union européenne, l’ASEAN (Associations des nations de l’Asie du Sud-Est), le Mercosur (Marché commun du Sud) et l’ALENA (Association de libre-échange nord-américain),

La multiplication des ACR et la régionalisation des échanges constituent un obstacle aux négociations multilatérales (accords conclus entre tous les pays afin de faciliter le commerce des biens et services), pour deux raisons principales : d’une part, l’expansion des ACR contredit l’objectif d’égalité entre les membres de l’OMC (et notamment avec la clause de la nation la plus favorisée) : les ACR donnent des droit préférentiels aux pays signataires, mais les pays extérieurs en sont exclus ;
d’autre part, l’expansion des ACR contredit l’objectif d’équité entre les membres de l’OMC : les quatre principaux ACR concentrent à eux seuls 70 % des échanges mondiaux et regroupent les pays qui pèsent lourd dans les négociations, ce qui revient à amoindrir le poids des petits pays isolés dans les négociations multilatérales.

L'organisation du commerce mondial passe donc également par d'autres moyens, en plus de l'OMC, comme par exemple la création de zone de libre-échange et d'unions douanières.

Les zones de libre-échange sont des zones géographiques où les pays s'entendent pour commercer entre eux librement, chaque pays restant libre de fixer son propre niveau de droits de douane à l'égard des pays extérieurs à la zone.

L'union douanière est, à l'intérieur de la zone, une région dans laquelle les échanges se font sans entraves, mais qui se protège de l'extérieur par des droits de douane communautaires.

Par exemple, L'ALENA, accord de libre échange en Amérique du Nord, entre Etats-Unis, Mexique et Canada, est une entente sur la libéralisation des échanges entre ces trois pays, mais son champ d'application ne se limite guère à cela. Le but initial de l'ALENA était d'éliminer les obstacles au commerce de produits et services, de favoriser la concurrence loyale et augmenter les investissements privés étrangers, tout en assurant la protection et le respect des droits de propriété intellectuelle, en établissant une procédure pour la mise en oeuvre et l'application de l'accord et en créant une coopération trilatérale, régionale, multilatérale poussée.

L'ALENA est donc un modèle hybride d'intégration car il s'agit d'un accord qui, en plus de créer une zone de libre échange, libéralise la circulation des capitaux et fixe les règles sur les matières premières, sur l'échange de services et sur la propriété intellectuelle, sans rien préciser sur la circulation des personnes ou sans corriger les inégalités de développement et les déséquilibres régionaux fortement présents entre les trois Etats.
Il s'agit donc d'un accord basé sur une conception très libérale où aucun mécanisme correcteur n'est prévu et tout est laissé au libre jeu des forces du marché, un contrat commercial typiquement nord américain et pour l'Amérique du Nord exclusivement, avec lequel les Etats-Unis offrent des garanties pour l'accès à leur marché, alors que le Canada et le Mexique, en contrepartie, harmonisent leurs politiques économiques pour créer un environnement économique uniforme.

Dès sont entrée en vigueur en 1994, la libéralisation des investissements s'est faite progressivement, la restriction aux échanges a été éliminée pour dix ans et aux échanges agricoles pour 15 ans et on a pu assister à une forte progression des échanges entre Canada et Mexique.
Mais le bilan est plutôt mitigé sur le plan politique et social, car un très fort écart salarial existe encore entre les trois pays, ainsi que la convergence entre leurs économies. De plus, le déficit commercial étasunien ne cesse de se creuser et on assiste à une montée en puissance de l'opposition au libre échange.

L'existence du Traité n'a d'ailleurs par empêché la création d'une muraille défensive à la frontière entre les Etats-Unis et le Mexique et à un durcissement de la politique migratoire des Etats-Unis, même à l'égard du Canada, après les attentats du 11 septembre 2001, considéré trop laxiste dans sa politique frontalière.

Le problème de l'immigration demeure aujourd'hui le premier obstacle à ce que l'ALENA puisse devenir un véritable accord d'intégration, à l'instar de l'Union Européenne.

Or, à la lumière de ce que l'on vient d'exposer, il est évident que malgré toutes les initiatives et les tentatives visant la liberté de circulation mondiale des échanges internationaux, ces derniers sont toujours rédhibitoires de la bonne volonté des États. Encore une fois donc le principe du consensualisme étatique prime sur la sphère internationale. Ce qui signifie que dans le cas où un ou plusieurs États décideraient de changer d'attitude commerciale, cela, non seulement aurait un impact conséquent sur les relations commerciales avec ses partenaires, mais aussi sur l'intégralité de l'organisation mondiale, en raison de l'effet domino propre au système de libre-échange. Les crises économiques en offrent le meilleur exemple.

Commentaires

Posts les plus consultés de ce blog

La méthode "des petits pas" de la construction européenne

Le principe de l'utilisation non dommageable du territoire, un principe presque inconnu ou souvent négligé

Sur quoi se fonde le droit international public?