Le contentieux économique international et les difficultés du système traditionnel du droit international à répondre à ses exigences
Le droit international économique est cette branche du droit qui concerne les règles appelées à régir les relations économiques internationales qui se nouent entre les différents acteurs intervenant sur la sphère internationale.
Il ne s'agit en effet pas des seules relations comportant des éléments d'extranéité entre individus, car les États, sujets traditionnels du droit international public, deviennent, eux-aussi, des opérateurs commerciaux à part entière.
Deux conceptions peuvent être retenues pour donner une définition adéquate de ce droit.
D'un point de vue extensif, le droit international économique comprend les règles qui régissent les opérations économiques de toute nature, dès lors qu'elles se déroulent dans plusieurs États.
D'un point de vue plus restrictif, il s'agirait de l'ensemble des règles permettant d'organiser les relations internationales économiques, voire macro-économiques.
Ainsi, le droit international économique met l'accent sur les politiques économiques des États et leurs effets sur l'ensemble de la société internationale.
Il est toutefois difficile de concevoir le droit international économique comme le droit régissant les seules relations macro-économiques car ces politiques, bien évidemment, concernent aussi les activités des entreprises privées ou sociétés multinationales, dont la présence, notamment dans le domaine des investissements, est de plus en plus significative.
Les individus ont en effet acquis un rôle croissant sur la sphère internationale depuis des années désormais. Pour en avoir un exemple pratique, il suffit de penser à l'émergence de groupes organisés en lutte au nom d'un peuple entier contre le pouvoir colonial ou à l'importance et au poids des sociétés multinationales dans le monde, puissantes économiquement, disposant d'activités dans un grand nombre de pays, à tel point d'arriver parfois à imposer leur propre volonté sur les États mêmes, une fois seuls sujets du droit international public. Dans ce domaine, les enjeux économiques sont tellement remarquables que les règles sont souvent bouleversée au détriment d'une cohérence et d'une stabilité, en fonction du profit.
Dans un domaine si vaste, le risque de litiges et de controverses n'est pas négligeable. Les juges internationaux sont ainsi appelés à accomplir un rôle fondamental et aux enjeux économiques fort importants.
Or, en droit international, on ne dispose pas d'une juridiction spécialisée dans le seul règlement des différends relatifs aux questions économiques, la plupart du temps ce genre de questions étant réglé par le biais de l'arbitrage, alors que la mondialisation conduit inévitablement à s'interroger sur les questions économiques et sur la manière dans laquelle elles sont examinées par les juges tant nationaux qu'internationaux.
Ainsi, au niveau juridictionnel, peu de juridictions sont véritablement spécialisées dans ce domaine.
En effet, la nécessité d'un juge capable d'appréhender la spécificité des questions économiques ne touche pas que le droit international mais est ressentie également au niveau national, car « parfaire le bagage juridique du juge d'une bonne connaissance du monde des affaires, dans lequel il exercera son activité juridictionnelle, permet d'aboutir à un intéressant équilibre entre le respect de la fondamentalité et l'efficacité économique ».
Au niveau interne, en effet, désormais, les seules exigences de l'article 6§1 de la Convention européenne des droits de l'homme ne sont plus suffisantes.
Outre l'impartialité et l'indépendance, il devient de plus en plus nécessaire l'institution d'un juge véritablement économique, capable donc de se concentrer sur les seules questions relevant des litiges entre opérateurs économiques publics et privés et des activités économiques plus en général. On entend par là, un juge conscient des problématiques du monde de l'économie, proche des activités du marché, du monde des affaires, des partenariats publics privés, du monde de la concurrence, des impératifs propres aux opérateurs économiques, etc.
Une telle conscience, ainsi qu'une formation appropriée, permettraient de faire converger un important nombre de problématiques, et par conséquent, une bonne partie du contentieux, dans les mains d'un seul juge qui, en plus de son bagage juridique traditionnel, aurait une vision plus dynamique et complète du monde économique, contribuant ainsi à une meilleure et plus précise application des droits processuels au monde économique.
Les subtilités du monde économique et de la sphère des opérateurs économiques agissant tant dans le domaine public que privé pourraient ainsi être plus facilement maîtrisées et conduire à une meilleure administration du service public de la justice et à une application plus loyale des prérogatives des justiciables.
Il ne faut en effet pas oublier que la loyauté est aujourd'hui, tant dans le droit privé que public, un droit fondamental, permettant une meilleure information sur l'enquête et une meilleure gestion des preuves.
Ainsi, depuis quelques années, on assiste au franchissement de quelques pas dans cette direction, bien que la France n'ait toujours pas admis l'idée générale d'une véritable justice économique.
Il suffit de regarder l'institution et l'activité du Conseil de la concurrence, ou des autorités administratives indépendantes plus en général, pour comprendre qu'il s'agit là d'une première traduction de cette nécessité, car « la régulation est (...) une nouvelle forme de l'intervention publique dans l'économie, organisant de force un secteur économique pour un fonctionnement optimal, au besoin par rapport à des objectifs non économiques ».
Cette régulation reste cependant organisée au coup par coup, disparate et par strates successives, ce qui risque d'aboutir à des jurisprudences parfois incohérentes entre elles.
Or, une véritable justice administrative demande des juges qui soient véritablement formés à l'économie, dans toutes ses dimensions, presque des experts, sans pour autant perdre le côte théorique et systématique propre au droit, car aujourd'hui « rendre la justice exige maintenant souvent des compétences techniques extérieures à la seule sphère juridique ».
De même, au niveau international, cette exigence se montre avec tout son poids, et notamment dans le domaine du droit international économique, où les conflits et leurs règlements risquent d'être éparpillés et de générer une insécurité et une instabilité, voire une incohérence parfois, qui pourraient porter préjudice aux opérateurs économiques dans l'exercice de leurs activités à l'étranger et aux personnes agissant sur la sphère internationale.
Dans le domaine international, ceci est d'autant plus vrai que les individus et les sociétés se trouvent à agir face aux États et nécessitent donc des garanties particulières.
L'exemple de la régulation des investissements dans le domaine du droit international économique montre bien la nécessité d'une spécificité du domaine économique et d'un juge capable, notamment dans la sphère internationale, d'en comprendre les exigences et de trancher des litiges différents des ordinaires.
C'est en effet dans le domaine des investissements internationaux, que les investisseurs privés se trouvent en relation directe avec les États d'accueil qui, parfois, font recours à leur position dominante pour imposer leur loi.
Cela fut le cas par exemple dans les années 70, lors des revendications du Nouvel Ordre Économique International par les Pays en développement demandant l'instauration de relations économiques plus équilibrées et équitables.
Il s'agissait de faire en sorte que l'Assemblée générale des Nations Unies devienne le lieu privilégié pour ce débat, un levier institutionnel où ils auraient pu profiter de la loi du nombre pour imposer leur volonté.
Mais cela se transforma, toutefois, en un échec car, bien que la Charte des droits et devoirs économiques des États fut adoptée en 1974, celle-ci ne reçut jamais une véritable application par les États développés en raison de son caractère disproportionné et inégalitaire, au détriment des investisseurs privés étrangers.
Or, si d'une, les investissements sont une manière pour les étrangers d'exploiter les ressources naturelles de leur État d'accueil, ils sont d'autre part une importante source de revenus non négligeable pour ce dernier et un des instruments pour permettre un développement économique stable.
Le système économique et les conditions particulières des pays en développement rendent évidente la nécessité de ces derniers de nouer des relations économiques internationales facilitées, c'est-à-dire plus favorables à celles en vigueur entre les États développés et qui sont inspirées par les principes du libre commerce. Les États du Sud en effet nécessitent une stabilisation des recettes provenant de l'exportation de leurs matières premières, de préférences commerciales, d'investissements étrangers, d'assistance économique et du transfert de technologies modernes.
Ainsi, après une première phase de revendications portant essentiellement sur le concept de « trade not aid », avec le Nouvel Ordre Économique International, ils avancèrent les principes de pouvoir librement discipliner et contrôler les activités des entreprises étrangères agissant sur leur territoire, de la liberté des nationalisations ou expropriation des biens étrangers à des conditions favorables pour l'État hôte de l'investissement, la nécessité de prix équitables et stables pour les matières premières, ainsi que la liberté d'instituer des associations de producteurs de matières premières comme l'OPEP.
Or, comme il est évident, le domaine des investissements est un terrain très fertile, riche d'enjeux économiques à la portée relevante.
Afin de mieux comprendre cette problématique, il est nécessaire de définir le domaine des investissements privés étrangers.
Comme il a été souligné par Carreau et Juillard, « la définition de l'investissement international varie en fonction de l'objectif que s'assigne l'instrument international qui la contient ».
Le droit international ne donne pas une définition unifiée de cette pratique, mais son existence repose sur l'ensemble de quatre éléments qui sont l'apport, le risque et un long terme et l'internationalité.
Le terme investissement est en effet une notion économique qui a par la suite été assimilée par le droit et qui constitue aujourd'hui un important clivage entre pays développés en en développement.
Or, la question qui nous intéresse ici est celle du règlement des différends surgis en matière d'investissements.
E, effet, ce règlement peut être de différentes sortes au niveau international: par la voie de l'arbitrage ou par la voie judiciaire.
Le règlement par la voie de l'arbitrage en matière d'investissements internationaux est assuré par le CIRDI, le centre international pour le règlement des différents en matière d'investissements, institué par la Convention de Washington de 1965. Cet organe, après des difficultés initiales s'est enfin imposé comme l'organe d'arbitrage institutionnel en la matière.
Des conditions doivent toutefois être respectées pour que le CIRDI soit compétent.
Le règlement judiciaire se différencie de l'arbitrage par le caractère permanent de son organe qui est préconstitué, existe en dehors des parties et fonctionne selon un statut et un règlement intérieur propres.
La Cour internationale de justice est la seule juridiction internationale à caractère universel et à compétence générale.
Elle est l'héritière de la Cour permanente de justice internationale (CPJI) créée par le Pacte de la Société des Nations et dont le statut de 1920 entrera en vigueur en 1921.
La Cour internationale de justice est l'organe judiciaire des Nations Unies. Elle est composée de 15 juges élus auxquels s'ajoutent dans certaines affaires des juges ad hoc. Elle statue en formation plénière ou, si les parties, le demandent, en chambre ad hoc pour une affaire déterminée.
En matière contentieuse, les États parties au Statut de la Cour doivent accepter sa compétence pour que leur cause puisse être entendue et leur litige tranché par elle.
Ils pourront le faire à deux moments différents de la procédure, soit après la naissance du différend, soit avant la naissance de celui-ci.
Dans le premier cas, la compétence de la cour est prévue par l'article 36§1 de son Statut: les parties vont accepter la compétence de la Cour et la saisir dans un même acte, un compromis judiciaire et qui aura la nature juridique d'un traité.
Par ce traité, les États saisissent la Haute juridiction et définissent l'objet de leur différend.
Dans le second cas, la compétence de la Cour est déterminée à l'avance, avant même que le litige soit surgi. La Cour pourra alors être saisie unilatéralement par la requête d'une partie à la condition que l'autre en ait accepté réciproquement la compétence.
Il s'agit, en ce cas, soit d'un traité de juridiction, dont l'objet est de prévoir la compétence de la Cour pour le règlement d'un différend entre les parties, soit d'une déclaration facultative de juridiction obligatoire, c'est-à-dire, un acte unilatéral librement pris par l'État en vertu de l'article 36§2 du Statut de la Cour.
En matière d'investissements, la CIJ propose donc une régulation étatique, qui exclut les individus, voire les investisseurs personnes physiques ou morales.
Comment arrive-t-elle donc à appréhender les investissements et leur régulation?
Se pose-t-elle comme une véritable juridiction internationale à caractère économique?
La portée de ses arrêts en la matière, est-elle satisfaisante pour les investisseurs privés en tant que sujets du droit international public et notamment économique?
Certes, la Cour internationale de justice dispose d'un rôle majeur dans le droit international, car elle contribue « à préciser l 'existence et les contours de certaines normes fondamentales de la Communauté internationale », mais ce rôle est il véritablement suffisant dans la sphère économique et notamment dans celle de la régulation des investissements internationaux?
La manière dont la Cour appréhende le domaine économique est très particulière et se différencie des autres organes juridictionnels. Le domaine de la régulation des investissements en est un exemple qui montre sa tentative de donner une approche juste et équitable aux questions à dimension économique. Elle se trouve toutefois face à la concurrence d'autres organes comme le CIRDI, et qui l'amène parfois à se différencier et parfois à adopter une approche complémentaire.
Son activité est toutefois résiduelle face au pouvoir accru du CIRDI, acquis dans les dernières années, et permettant à des individus (investisseurs individuels, mais aussi sociétés et multinationales) de faire recours à l'arbitrage CIRDI contre l'État d'accueil, si ce dernier a bien ratifié la Convention de Washington de 1965.
En tout cas, l'arbitrage aujourd'hui est le moyen privilégié pour la résolution des conflits en matière d'investissement grâce à sa flexibilité, son élasticité, et sa rapidité. Tant d'éléments que la Cour de La Haye, de par sa structure, son organisation, son fonctionnement et son statut et règlement, ne peut pas assurer. Ce qui prouve encore une fois, la résidualité de ce contentieux devant elle, et qui confirme toujours le consensualisme et le rattachement à la souveraineté des États sur lequel se base et se fonde le droit international classique. Le droit international économique, conçu comme une branche nouvelle de ce droit depuis quelques décennies, nécessite donc un système plus adapté aux évolutions contemporaines de la société internationale, évolutions que le droit international classique semble, encore une fois, avoir du mal à intégrer.
Il ne s'agit en effet pas des seules relations comportant des éléments d'extranéité entre individus, car les États, sujets traditionnels du droit international public, deviennent, eux-aussi, des opérateurs commerciaux à part entière.
Deux conceptions peuvent être retenues pour donner une définition adéquate de ce droit.
D'un point de vue extensif, le droit international économique comprend les règles qui régissent les opérations économiques de toute nature, dès lors qu'elles se déroulent dans plusieurs États.
D'un point de vue plus restrictif, il s'agirait de l'ensemble des règles permettant d'organiser les relations internationales économiques, voire macro-économiques.
Ainsi, le droit international économique met l'accent sur les politiques économiques des États et leurs effets sur l'ensemble de la société internationale.
Il est toutefois difficile de concevoir le droit international économique comme le droit régissant les seules relations macro-économiques car ces politiques, bien évidemment, concernent aussi les activités des entreprises privées ou sociétés multinationales, dont la présence, notamment dans le domaine des investissements, est de plus en plus significative.
Les individus ont en effet acquis un rôle croissant sur la sphère internationale depuis des années désormais. Pour en avoir un exemple pratique, il suffit de penser à l'émergence de groupes organisés en lutte au nom d'un peuple entier contre le pouvoir colonial ou à l'importance et au poids des sociétés multinationales dans le monde, puissantes économiquement, disposant d'activités dans un grand nombre de pays, à tel point d'arriver parfois à imposer leur propre volonté sur les États mêmes, une fois seuls sujets du droit international public. Dans ce domaine, les enjeux économiques sont tellement remarquables que les règles sont souvent bouleversée au détriment d'une cohérence et d'une stabilité, en fonction du profit.
Dans un domaine si vaste, le risque de litiges et de controverses n'est pas négligeable. Les juges internationaux sont ainsi appelés à accomplir un rôle fondamental et aux enjeux économiques fort importants.
Or, en droit international, on ne dispose pas d'une juridiction spécialisée dans le seul règlement des différends relatifs aux questions économiques, la plupart du temps ce genre de questions étant réglé par le biais de l'arbitrage, alors que la mondialisation conduit inévitablement à s'interroger sur les questions économiques et sur la manière dans laquelle elles sont examinées par les juges tant nationaux qu'internationaux.
Ainsi, au niveau juridictionnel, peu de juridictions sont véritablement spécialisées dans ce domaine.
En effet, la nécessité d'un juge capable d'appréhender la spécificité des questions économiques ne touche pas que le droit international mais est ressentie également au niveau national, car « parfaire le bagage juridique du juge d'une bonne connaissance du monde des affaires, dans lequel il exercera son activité juridictionnelle, permet d'aboutir à un intéressant équilibre entre le respect de la fondamentalité et l'efficacité économique ».
Au niveau interne, en effet, désormais, les seules exigences de l'article 6§1 de la Convention européenne des droits de l'homme ne sont plus suffisantes.
Outre l'impartialité et l'indépendance, il devient de plus en plus nécessaire l'institution d'un juge véritablement économique, capable donc de se concentrer sur les seules questions relevant des litiges entre opérateurs économiques publics et privés et des activités économiques plus en général. On entend par là, un juge conscient des problématiques du monde de l'économie, proche des activités du marché, du monde des affaires, des partenariats publics privés, du monde de la concurrence, des impératifs propres aux opérateurs économiques, etc.
Une telle conscience, ainsi qu'une formation appropriée, permettraient de faire converger un important nombre de problématiques, et par conséquent, une bonne partie du contentieux, dans les mains d'un seul juge qui, en plus de son bagage juridique traditionnel, aurait une vision plus dynamique et complète du monde économique, contribuant ainsi à une meilleure et plus précise application des droits processuels au monde économique.
Les subtilités du monde économique et de la sphère des opérateurs économiques agissant tant dans le domaine public que privé pourraient ainsi être plus facilement maîtrisées et conduire à une meilleure administration du service public de la justice et à une application plus loyale des prérogatives des justiciables.
Il ne faut en effet pas oublier que la loyauté est aujourd'hui, tant dans le droit privé que public, un droit fondamental, permettant une meilleure information sur l'enquête et une meilleure gestion des preuves.
Ainsi, depuis quelques années, on assiste au franchissement de quelques pas dans cette direction, bien que la France n'ait toujours pas admis l'idée générale d'une véritable justice économique.
Il suffit de regarder l'institution et l'activité du Conseil de la concurrence, ou des autorités administratives indépendantes plus en général, pour comprendre qu'il s'agit là d'une première traduction de cette nécessité, car « la régulation est (...) une nouvelle forme de l'intervention publique dans l'économie, organisant de force un secteur économique pour un fonctionnement optimal, au besoin par rapport à des objectifs non économiques ».
Cette régulation reste cependant organisée au coup par coup, disparate et par strates successives, ce qui risque d'aboutir à des jurisprudences parfois incohérentes entre elles.
Or, une véritable justice administrative demande des juges qui soient véritablement formés à l'économie, dans toutes ses dimensions, presque des experts, sans pour autant perdre le côte théorique et systématique propre au droit, car aujourd'hui « rendre la justice exige maintenant souvent des compétences techniques extérieures à la seule sphère juridique ».
De même, au niveau international, cette exigence se montre avec tout son poids, et notamment dans le domaine du droit international économique, où les conflits et leurs règlements risquent d'être éparpillés et de générer une insécurité et une instabilité, voire une incohérence parfois, qui pourraient porter préjudice aux opérateurs économiques dans l'exercice de leurs activités à l'étranger et aux personnes agissant sur la sphère internationale.
Dans le domaine international, ceci est d'autant plus vrai que les individus et les sociétés se trouvent à agir face aux États et nécessitent donc des garanties particulières.
L'exemple de la régulation des investissements dans le domaine du droit international économique montre bien la nécessité d'une spécificité du domaine économique et d'un juge capable, notamment dans la sphère internationale, d'en comprendre les exigences et de trancher des litiges différents des ordinaires.
C'est en effet dans le domaine des investissements internationaux, que les investisseurs privés se trouvent en relation directe avec les États d'accueil qui, parfois, font recours à leur position dominante pour imposer leur loi.
Cela fut le cas par exemple dans les années 70, lors des revendications du Nouvel Ordre Économique International par les Pays en développement demandant l'instauration de relations économiques plus équilibrées et équitables.
Il s'agissait de faire en sorte que l'Assemblée générale des Nations Unies devienne le lieu privilégié pour ce débat, un levier institutionnel où ils auraient pu profiter de la loi du nombre pour imposer leur volonté.
Mais cela se transforma, toutefois, en un échec car, bien que la Charte des droits et devoirs économiques des États fut adoptée en 1974, celle-ci ne reçut jamais une véritable application par les États développés en raison de son caractère disproportionné et inégalitaire, au détriment des investisseurs privés étrangers.
Or, si d'une, les investissements sont une manière pour les étrangers d'exploiter les ressources naturelles de leur État d'accueil, ils sont d'autre part une importante source de revenus non négligeable pour ce dernier et un des instruments pour permettre un développement économique stable.
Le système économique et les conditions particulières des pays en développement rendent évidente la nécessité de ces derniers de nouer des relations économiques internationales facilitées, c'est-à-dire plus favorables à celles en vigueur entre les États développés et qui sont inspirées par les principes du libre commerce. Les États du Sud en effet nécessitent une stabilisation des recettes provenant de l'exportation de leurs matières premières, de préférences commerciales, d'investissements étrangers, d'assistance économique et du transfert de technologies modernes.
Ainsi, après une première phase de revendications portant essentiellement sur le concept de « trade not aid », avec le Nouvel Ordre Économique International, ils avancèrent les principes de pouvoir librement discipliner et contrôler les activités des entreprises étrangères agissant sur leur territoire, de la liberté des nationalisations ou expropriation des biens étrangers à des conditions favorables pour l'État hôte de l'investissement, la nécessité de prix équitables et stables pour les matières premières, ainsi que la liberté d'instituer des associations de producteurs de matières premières comme l'OPEP.
Or, comme il est évident, le domaine des investissements est un terrain très fertile, riche d'enjeux économiques à la portée relevante.
Afin de mieux comprendre cette problématique, il est nécessaire de définir le domaine des investissements privés étrangers.
Comme il a été souligné par Carreau et Juillard, « la définition de l'investissement international varie en fonction de l'objectif que s'assigne l'instrument international qui la contient ».
Le droit international ne donne pas une définition unifiée de cette pratique, mais son existence repose sur l'ensemble de quatre éléments qui sont l'apport, le risque et un long terme et l'internationalité.
Le terme investissement est en effet une notion économique qui a par la suite été assimilée par le droit et qui constitue aujourd'hui un important clivage entre pays développés en en développement.
Or, la question qui nous intéresse ici est celle du règlement des différends surgis en matière d'investissements.
E, effet, ce règlement peut être de différentes sortes au niveau international: par la voie de l'arbitrage ou par la voie judiciaire.
Le règlement par la voie de l'arbitrage en matière d'investissements internationaux est assuré par le CIRDI, le centre international pour le règlement des différents en matière d'investissements, institué par la Convention de Washington de 1965. Cet organe, après des difficultés initiales s'est enfin imposé comme l'organe d'arbitrage institutionnel en la matière.
Des conditions doivent toutefois être respectées pour que le CIRDI soit compétent.
Le règlement judiciaire se différencie de l'arbitrage par le caractère permanent de son organe qui est préconstitué, existe en dehors des parties et fonctionne selon un statut et un règlement intérieur propres.
La Cour internationale de justice est la seule juridiction internationale à caractère universel et à compétence générale.
Elle est l'héritière de la Cour permanente de justice internationale (CPJI) créée par le Pacte de la Société des Nations et dont le statut de 1920 entrera en vigueur en 1921.
La Cour internationale de justice est l'organe judiciaire des Nations Unies. Elle est composée de 15 juges élus auxquels s'ajoutent dans certaines affaires des juges ad hoc. Elle statue en formation plénière ou, si les parties, le demandent, en chambre ad hoc pour une affaire déterminée.
En matière contentieuse, les États parties au Statut de la Cour doivent accepter sa compétence pour que leur cause puisse être entendue et leur litige tranché par elle.
Ils pourront le faire à deux moments différents de la procédure, soit après la naissance du différend, soit avant la naissance de celui-ci.
Dans le premier cas, la compétence de la cour est prévue par l'article 36§1 de son Statut: les parties vont accepter la compétence de la Cour et la saisir dans un même acte, un compromis judiciaire et qui aura la nature juridique d'un traité.
Par ce traité, les États saisissent la Haute juridiction et définissent l'objet de leur différend.
Dans le second cas, la compétence de la Cour est déterminée à l'avance, avant même que le litige soit surgi. La Cour pourra alors être saisie unilatéralement par la requête d'une partie à la condition que l'autre en ait accepté réciproquement la compétence.
Il s'agit, en ce cas, soit d'un traité de juridiction, dont l'objet est de prévoir la compétence de la Cour pour le règlement d'un différend entre les parties, soit d'une déclaration facultative de juridiction obligatoire, c'est-à-dire, un acte unilatéral librement pris par l'État en vertu de l'article 36§2 du Statut de la Cour.
En matière d'investissements, la CIJ propose donc une régulation étatique, qui exclut les individus, voire les investisseurs personnes physiques ou morales.
Comment arrive-t-elle donc à appréhender les investissements et leur régulation?
Se pose-t-elle comme une véritable juridiction internationale à caractère économique?
La portée de ses arrêts en la matière, est-elle satisfaisante pour les investisseurs privés en tant que sujets du droit international public et notamment économique?
Certes, la Cour internationale de justice dispose d'un rôle majeur dans le droit international, car elle contribue « à préciser l 'existence et les contours de certaines normes fondamentales de la Communauté internationale », mais ce rôle est il véritablement suffisant dans la sphère économique et notamment dans celle de la régulation des investissements internationaux?
La manière dont la Cour appréhende le domaine économique est très particulière et se différencie des autres organes juridictionnels. Le domaine de la régulation des investissements en est un exemple qui montre sa tentative de donner une approche juste et équitable aux questions à dimension économique. Elle se trouve toutefois face à la concurrence d'autres organes comme le CIRDI, et qui l'amène parfois à se différencier et parfois à adopter une approche complémentaire.
Son activité est toutefois résiduelle face au pouvoir accru du CIRDI, acquis dans les dernières années, et permettant à des individus (investisseurs individuels, mais aussi sociétés et multinationales) de faire recours à l'arbitrage CIRDI contre l'État d'accueil, si ce dernier a bien ratifié la Convention de Washington de 1965.
En tout cas, l'arbitrage aujourd'hui est le moyen privilégié pour la résolution des conflits en matière d'investissement grâce à sa flexibilité, son élasticité, et sa rapidité. Tant d'éléments que la Cour de La Haye, de par sa structure, son organisation, son fonctionnement et son statut et règlement, ne peut pas assurer. Ce qui prouve encore une fois, la résidualité de ce contentieux devant elle, et qui confirme toujours le consensualisme et le rattachement à la souveraineté des États sur lequel se base et se fonde le droit international classique. Le droit international économique, conçu comme une branche nouvelle de ce droit depuis quelques décennies, nécessite donc un système plus adapté aux évolutions contemporaines de la société internationale, évolutions que le droit international classique semble, encore une fois, avoir du mal à intégrer.
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