Quel droit pour la piraterie en Haute mer?

La piraterie est une grave infraction en droit international mais que ce même droit n'arrive guère à saisir. Le thème du droit applicable soulève à vrai dire de multiples questions. Faut-il en effet compter sur le droit international, sur les droits internes ou est-on est présence d'une lacune juridique?

Le droit international est évidemment indispensable pour permettre la capture licite, au regard du droit international, des pirates en haute mer, par des navires dont le pavillon diffère de celui du navire pirate. L’article 105 de la Convention de Montego bay dispose ainsi que « Tout Etat peut, en haute mer ou en tout autre lieu ne relevant de la juridiction d’aucun Etat, saisir un navire pirate ou capturé par des pirates, et appréhender les personnes et saisir les biens se trouvant à bord ».

Ceci est une norme d’habilitation, qui permet de déroger au principe de l’exclusivité de compétence de l’Etat du pavillon à l’égard des navires pirates, lesquels ne perdent pas leur nationalité du seul fait qu’ils sont pirates (art. 104 CMB).

Le droit international doit aussi définir les actes de piraterie à propos desquels porte cette habilitation. Comme le soulignait Fitzmaurice en 1956 : « il est nécessaire de définir la piraterie avec précision, parce que ce crime donne aux navires de guerre de tous les Etats le droit de visite et de saisie ».

C’est aujourd’hui l’article 101 de la Convention de Montego Bay, qui définit l’acte de piraterie. Il s’agit d’un acte illicite de violence, ou de détention, ou de déprédation, commis à des fins privées par l’équipage ou des passagers d’un navire privé, dirigés contre un autre navire ou contre des personnes à bord d’un autre navire, en haute mer ou dans un lieu ne relevant de la juridiction d’aucun Etat. La définition ajoute que la complicité et l’incitation à commettre ces actes sont également des actes de piraterie.
L’un des éléments très précis que l’on retire de cette définition est le lieu de commission de l’acte constitutif de piraterie maritime : la haute mer, ou, plus généralement, un lieu ne relevant d’aucune juridiction. Cela inclut, à lire la Convention de 1982, la zone économique exclusive.
Il en résulte que certains actes commis en haute mer peuvent être considérés comme des actes de piraterie par les Etats, qui peuvent alors, sans violer le droit international, se saisir de leurs auteurs et de leurs navires, quelle que soit leur nationalité et celle de leurs victimes. Plus même, indique l’article 105 de la Convention de Montego Bay, les tribunaux de l’Etat qui a opéré la saisie peuvent, là encore sans violer le droit international, se prononcer sur les peines à infliger aux auteurs de ces actes, quels que soient leurs nationalités et celles de leurs victimes.

Ces dispositions sont tout à fait indispensables mais insuffisantes. Si elles assurent aux Etats qu’ils ne violent pas le droit international lorsqu’ils pourchassent les pirates en haute mer, elles ne les dispensent pas d’adopter, s’ils le souhaitent, et chacun pour ce qui le concerne, des lois internes les habilitant à se saisir effectivement des pirates en haute mer, et à les traduire en justice. L’adoption de lois internes permettant la poursuite et la répression des pirates est donc indispensable à la répression pénale effective de la piraterie.

Non seulement la Convention ne fait-elle pas de l’acte de piraterie une infraction pénale, mais en outre, à supposer qu’elle y tende, ce serait en vain, à raison du défaut d’effet direct de la Convention révélé par l’affaire Intertanko. Selon l’arrêt de la Cour de Justice de l'Union Européenne rendu dans cette affaire, « la convention de Montego Bay ne met pas en place des règles destinées à s’appliquer directement et immédiatement aux particuliers » (3 juin 2008, par. 64).

Par suite, pour connaître le droit applicable à la piraterie, il faut se tourner vers les droits internes, chacun d’entre eux, pour y trouver, éventuellement, des outils de répression de la piraterie. Or, les droits internes ne sont pas tous enclins à les prévoir. Ils sont assez prompts à permettre la répression des actes commis dans leurs eaux territoriales ou, en haute mer, à l’égard des navires battant leur pavillon, ou encore à l’endroit de leurs ressortissants. Mais ils établissent plus rarement une incrimination, et des peines, pour les crimes de piraterie.
Certains ordres internes sont d’ailleurs tellement démunis à cet égard qu’ils forcent leurs autorités qui capturent les pirates à renoncer à même envisager des poursuites et à les relâcher
immédiatement, faute à la fois de disposer des outils juridiques suffisants, et de trouver un Etats acceptant de se charger de leur jugement.

On notera par exemple que le code pénal somalien ne prévoit pas l’infraction de piraterie. Le rapport du rapporteur spécial du secrétaire général des Nations Unies Jack Lang remis préconise d’ailleurs une réforme sur ce point.

D’autres prévoient de longue date la répression de tous les pirates capturés, comme le droit des Etats Unis d’Amérique, qui érige la piraterie en crime.

Depuis 1909, la loi américaine pose que « Whoever, on the high seas, commits the crime of piracy as defined by the law of nations, and is afterwards brought into or found in the United States, shall be imprisoned for life » (18 U.S.C. § 1651). Ce n’est cependant pas tout à fait satisfaisant car la définition américaine de la piraterie ne correspond pas, selon un arrêt US vs. Ali Said rendu en 2010 par un Juge de la Cour de District du District est de Virginie, à celle de la Convention sur le droit de la mer. La piraterie ne recouvre, selon ce juge, se basant sur un arrêt Smith de la Cour Suprême datant de 1820, que le vol. Il est vrai que le Gouvernement a fait appel et que, deux mois plus tard, un autre Juge de la même Cour de District est parvenu à une autre conclusion ; mais ces hésitations sont embarrassantes et rendent inopérante – ou en tout cas moins opérante – la dissuasion que la promesse de la répression est censée promouvoir.

D’autres législations internes font l’objet de discussions, sur d’autres questions. C’est le cas du droit français, qui a, entre autres – et je ne reviendrai pas sur l’arrêt Medvedyev de la CEDH –  soulevé quelques difficultés s’agissant de la compétence des autorités française pour interpeller des pirates en mer.

En droit français, l’applicabilité de la loi pénale de fond détermine la compétence de ses juridictions, mais ne fonde pas nécessairement la compétence extraterritoriale de police de sa marine. C’est ce qu’a rappelé la Chambre criminelle de la Cour de cassation le 17 février 2010, qui a en même temps reconnu la légalité de l’interpellation par la marine française de pirates somaliens dans les eaux territoriales somaliennes, en se fondant exclusivement sur la résolution 1816 du Conseil de sécurité des Nations Unies du 2 juin 2008. Une telle analyse est d’ailleurs compatible avec l’article 5§1 de la CESDH qui impose que toute arrestation ait une base légale en droit interne, dès lors que l’on admet que la résolution du Conseil de sécurité a un effet juridique en droit français et crée ladite base légale, et si l’on rappelle par ailleurs que l’article L1521-2 du Code de la Défense habilite les forces françaises à exercer des pouvoirs de police en mer « prévues par le droit international ». La récente loi relative à la lutte contre la piraterie de janvier 2011 a vocation à donner une base légale supplémentaire et à mieux encadrer ces interpellations.

En dehors de la question de savoir si les droits internes qualifient comme infraction pénale les actes de piraterie –  ce qui n’est pas le cas de tous les droits internes et il reste encore du chemin à parcourir à cet égard -, et en dehors des questions relatives à l’exercice des compétences de police en mer, un autre aspect dommageable de l’état fragmentaire du droit de la répression des actes de piraterie est qu’en tout état de cause les peines varient d’un droit interne à l’autre. C’est sans doute une situation habituelle en droit pénal international, mais c’est discutable dans le cas d’espèce et la question se pose de savoir s’il faut une harmonisation minimale en la matière.

On peut en effet éprouver quelques difficultés à admettre que les mêmes crimes soient jugés et sanctionnés différemment selon l’Etat qui se charge des poursuites. Le résultat est que la règle bien connue en droit pénal, nullum crimen nulla poena sine lege, en vertu de laquelle le prévenu ne peut être atteint par une loi dont il ne pouvait prévoir l’application au moment de son crime, se trouve écartée puisque son destin pénal dépendra de la juridiction à laquelle il sera remis, choix qui pourra être hasardeux : un pirate somalien, accusé d’avoir attaqué un navire indien, à bord d’un bateau battant pavillon somalien, pourrait être arrêté par la marine américaine, puis jugé par un tribunal kenyan, ou des Seychelles, ou même français si la France le veut bien.



Ceci n’est, me semble-t-il, pas tout à fait conforme aux attentes formulées par l’article 11-2 de la Déclaration universelle des droits de l’homme, selon laquelle « il ne sera infligé aucune peine plus forte que celle qui était applicable au moment où l’acte délictueux a été commis », puisque la peine sera indéterminable à ce moment. Je sais bien que l’article 7, par. 2, de la Convention européenne des droits de l’homme, notamment, pose qu’il n’y a rien d’illicite à punir une personne sans loi dès lors qu’au moment des faits son acte était criminel d’après le droit international. Mais si une telle thèse tend à justifier la pratique du moment, elle ne met aucunement un terme au désordre qui en résulte et à sa conséquence, à savoir l’absence d’effet dissuasif du dispositif de répression de la piraterie maritime, ou même, et c’est plus grave, des dispositifs prévus par les lois pénales afin d’atténuer la violence des actes de piraterie.

Un autre problème reste à résoudre: la question de la compétence juridictionnelle.

On dit souvent qu’en vertu du principe international de compétence universelle à l’égard de la piraterie, toutes les juridictions de tous les Etats peuvent être compétentes, pour peu que leurs droits internes le prévoient.
Ce n’est pas ce qu’indique l’article 105 de la Convention de Montego Bay. Elle ne dit pas que tout Etat peut juger des pirates, mais que les tribunaux de l’Etat qui a opéré la saisie peuvent les juger. Cela dit, il est clair que le droit coutumier reconnaît cette compétence juridictionnelle universelle à tous les Etats. Du reste, de nos jours, la difficulté ne réside pas dans un excès de revendications de compétences universelles à l’égard des pirates, mais dans leur raréfaction. Ceci résulte sans doute d’une part d’un clair souhait des Etats de ne pas exercer une telle compétence, ou encore, et assez souvent, d’un défaut de compétence des juridictions internes.
S’agissant de la compétence des juridictions pénales française, le droit positif en vigueur jusqu’à l’adoption de la loi de janvier dernier ne permettait qu’imparfaitement la répression des actes de piraterie.

L’article 113-7 du Code pénal permet aux juridictions françaises de connaître des crimes et délits sur la base des liens de rattachement traditionnels. L’article 113-12 du Code pénal ajoute que « la loi pénale française est applicable aux infractions commises au-delà de la mer territoriale, dès lors que les conventions internationales et la loi le prévoient ». Les articles 224-6 à 224-8, qui érigent en crime « le fait de s’emparer ou de prendre le contrôle par violence ou menace de violence d’un navire à bord desquels des personnes ont pris place »  (ce qui ne couvre pas tous les actes de piraterie mais certains d’entre eux), ne précisent pas que le lieu de commission de ces crimes peut se situer au delà de la mer territoriale. Toutefois, la combinaison des articles 689-1 et 689-5 du Code de procédure pénale permet l’exercice par la France d’une compétence judiciaire à l’égard des auteurs de ces crimes cités par le Code pénal, s’ils se trouvent en France, et dès lors qu’ils constituent également des crimes visés par la Convention de Rome de 1988 sur la répression d’actes illicites contre la sécurité de la navigation maritime.
Compliquée, la loi française ne permettait pas le jugement des crimes de piraterie qui n’étaient pas, en même temps, et des crimes au sens du Code pénal, et des crimes au sens de la convention de 1988 sur la sécurité maritime, laquelle ne recouvre pas entièrement les crimes de piraterie.

La loi relative à la lutte contre la piraterie et à l’exercice des pouvoirs de police de l’État en mer de janvier 2011 entend clarifier ce point en prévoyant de nouvelles dispositions. Sont désormais incriminés comme actes de piraterie tels que définis par le droit international, les crimes qui  sont, en même temps, réprimées aux articles 224-1 à 224-8-1 et 450-1 et 450-5 du code pénal. Ceci recouvre les crimes de piraterie les plus graves : détournement d’aéronef, de navire ou de tout autre moyen de transport ; enlèvement et séquestration lorsqu’elles précèdent, accompagnent ou suivent un détournement de navire ; participation à une association de malfaiteurs destinée à préparer les actes précité.
Aux termes de la loi, l’exercice par le juge français de sa compétence à l’égard des pirates ne sera toutefois pas sans conditions. Le texte prévoit que les auteurs et complices des infractions … commises hors du territoire de la République peuvent être poursuivis et jugés par les juridictions françaises : « à défaut d’entente avec les autorités d’un autre État pour l’exercice par celui-ci de sa compétence juridictionnelle ».

Des « ententes avec les autorités d’autres Etats », l’UE en a conclus avec le Kenya et les Seychelles. La France, pour sa part, remet également nombre de suspects aux autorités du Puntland, mais sans que ceci soit couvert par un accord cadre, la France procédant ici par échanges de notes verbales avec le gouvernement fédéral de transition somalien, afin de s’assurer que la peine de mort ne sera ni prononcée ni exécutée à l’encontre des intéressés et qu’aucun traitement contraire à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ne leur serait infligé. Cette pratique, assez peu sécurisée, a été vivement dénoncée, sans succès, par le Sénateur Robert Badinter.

Ensuite, et c’est tout aussi grave, un Juge de la Haute Cour Kenyane a récemment découvert que le droit pénal kényan ne permet pas le jugement de crimes commis en haute mer. C’est surprenant car dans un premier arrêt, plutôt rassurant, du 12 mai 2009 de la Haute Cour du Kenya, à Mombasa, il avait été jugé que la loi Kenyane permet le jugement au Kenya des crimes de piraterie commis en haute mer, en application de la Section 69 du Code pénal, qui stipule : « any person who, in territorial waters or upon the High seas commits any act of piracy jure gentium is guilty of the offence of piracy». Mais un autre arrêt, du 9 novembre 2010, juge au contraire que cette stipulation ne peut pas conférer compétence aux juges kényans s’agissant des actes commis en haute mer, puisqu’elle est contredite par la section 5 du même Code qui stipule que « The jurisdiction of the Courts of Kenya for the purpose of this Code extends to every place within Kenya, including territorial waters ». Pour le magistrat, c’est la section 5 qui fait droit, pas la Section 69, ce qui exclut tout jugement d’actes commis en haute mer par les tribunaux kenyans.
Ce développement n’est sans doute pas une bonne nouvelle pour les Etats de l’Union européenne et les Etats-Unis, qui ont remis quantité de personnes au Kenya en vue de leur jugement. Cet arrêt pourrait en effet rendre impossible le jugement de ceux qui attendent de passer en jugement, voire conduire à la relaxe de ceux déjà jugés au Kenya. Certes, le droit kenyan a été amendé par une nouvelle loi, le Merchant Shipping Act 2009, entrée en vigueur le 1er septembre 2010 ; mais cette nouvelle loi ne saurait, à bien lire l’arrêt de novembre, avoir d’effet rétroactif.

Nous avons là ce qui constitue une série d’« errements », et qu’ils sont indubitablement dommageables à la crédibilité du volet répressif de la lutte contre la piraterie. Dès lors, on comprend qu’il existe un débat sur le point de savoir s’il est efficace de laisser la situation en l’état, c’est-à-dire de compter essentiellement sur la bonne volonté des Etats les plus proches de la zone de piraterie pour se charger d’en juger les auteurs, avec le soutien logistique et financier de tous ceux qui s’appuient sur eux, ou s’il convient de mettre en place une autre solution judiciaire, plus «internationalisée ».

C’est clairement la première solution qui a été implicitement préconisée par le Secrétaire général dans son rapport de juillet dernier, ainsi que par Jack Lang dans son récent rapport, qui préconise essentiellement la création d’une juridiction somalienne « extraterritoriale », c’est à dire installée à Arusha en Tanzanie. De son côté, l’Union européenne investit manifestement dans l’approche régionale, et tâche de conclure des accords de remise, avec Maurice, le Mozambique, l’Afrique du Sud, la Tanzanie, l’Ouganda.

En conclusion, on aura compris que ce sont les droits internes qui sont pertinents afin de réprimer la piraterie, et que ce sont également certaines juridictions internes qui doivent en assurer la mise en œuvre.

Pour autant, l’idée d’une plus grande implication du droit international reste pertinente.

Au delà de la nécessité de renforcer les juridictions locales, ce qui est une évidence mise en lumière par le rapport de Jack Lang, c’est essentiellement sur le terrain du droit applicable qu’il conviendrait de réfléchir de manière un peu plus approfondie.

L’Union européenne a déjà posé ses exigences à cet égard. Ses accords de remise avec le Kenya et les Seychelles comportent une liste de standards pénaux internationaux que le partenaire s’engage à respecter. Cette technique conduit à faire en sorte que le droit applicable par les juridictions locales soit en principe le droit national, exception faite d’un certain nombre de règles issues des standards internationaux dont la primauté devrait être reconnue.
Mais cette approche soulève une quantité de difficultés. Elles sont d’abord d’ordre financier. Il est évidemment indispensable d’offrir un soutien financier aux Etats sur les territoires desquels la répression est organisée. Sa mesure devrait être équivalente à ce que l’on appelle, en droit européen, une compensation de la charge du « service public » que ces Etats acceptent d’assumer pour le compte de la Communauté internationale. Mais, naturellement, un tel financement ne peut être injecté que dans un système suffisamment efficient et respectueux des standards internationaux de la justice.

S’agissant de la recherche de l’efficience, elle implique de régler une série de questions précises:

i)   les règles de preuve en vigueur devant la juridiction compétente doivent être praticables et suffisamment connues par les navires capteurs (il a été dit, ici et là, que les règles de preuve sont nécessairement celles de l’Etat d’accueil, mais on peut parfaitement imaginer que les règles de preuve s’agissant de la lutte contre la piraterie soient amodiées dans les droits internes concernés afin de les harmoniser sur la zone de l’Océan indien et du golfe d’Aden, l’important étant de vérifier la cohérence avec les droits internes des nouvelles règles de preuve, et la connaissance de ces règles par l’ensemble des acteurs de la chaîne de la répression);

ii)             les règles applicables à la remise doivent être claires et fondées sur des droits et obligations, la marge d’appréciation discrétionnaire des Etats impliqués dans la remise devant être ramenée au strict minimum (ceci ne peut être sécurisé que par des accords entre Etats (ou Etats et UE) ; l’idée de base est que le financement apporté par la Communauté internationale donne droit à l’Etat capteur de livrer des pirates à l’Etat bénéficiaire) ;

iii)            la procédure d’incrimination et, le cas échéant, de jugement, doit être enferrée dans des mécanismes et des délais précis;

iv)            il doit naturellement être vérifié que le droit local permet le jugement des pirates, et que les peines prévues sont à la fois dissuasives et présentées de manière suffisamment fine qu’elles incitent les pirates à coopérer avec les autorités judiciaires ;

v)             le phénomène de la piraterie étant transnational, il est indispensable que les autorités judiciaires locales collaborent avec d’autres afin que les réseaux de financement de la piraterie soient approchés.

vi)           Une question extrêmement sensible demeure celle du risque que les juges locaux se laissent corrompre, ce qui rendrait l’ensemble du système inefficient. Sans aller jusqu’à suggérer que des juges nommés par le Secrétaire général des Nations Unies siègent, ce qui serait probablement compliqué, on imagine qu’au moins deux mécanismes devraient être mis en place afin d’atténuer ce risque: i) la pénalisation du crime de corruption passive devrait être prévue dans le droit interne local, ii) un double degré de juridiction devrait permettre des appels, y compris en cas de relaxe.

Concernant le respect des standards internationaux réclamé par les Nations Unies, il est recherché par l’UE à travers les accords conclus avec les Etats de la région.

Il convient toutefois tout d’abord de vérifier la force juridique de ces accords internationaux dans le droit interne de l’Etat signataire.

On le voit, les juristes ont encore du travail, assurément. Mais le droit a ses limites, et il est certain que le phénomène de piraterie à partir des côtes de la Somalie ne pourra être atténué, si ce n’est totalement neutralisé, que lorsque la Somalie sera capable d’assurer le contrôle effectif de son territoire, y compris de ses côtes. C’est l’Etat, qui, ici, manque. Le droit international, aussi sophistiqué qu’on le veuille, ne s’y substituera pas.

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