La situation politique en Algérie : du changement structurel à la réforme constitutionnelle

Les émeutes qui ont eu lieu en 1988 à Alger ont poussé le gouvernement en place à mettre en oeuvre une réforme constitutionnelle en 1989. Cette réforme mettait fin au système d’un parti politique unique. Cette tentative de mise en place d’un nouveau régime démocratique, s’est soldée par un échec, lorsque le parti islamiste, le front islamique du salut (FIS) emporte les élections législatives en 1992. Le gouvernement avec le soutien de l’armée, annule les élections. Cette interruption du processus électoral a entrainé la colère des islamistes. À ce moment, l’Algérie sombre dans une longue période de guerre civile, qui a affaibli ses institutions politiques. 

Après plusieurs années de déferlement de violences et de massacres, l’espoir vint avec l’élection du président de la République démocratique algérienne,  Abdel Aziz Bouteflika en 1999. Mais cet espoir fut vite remplacé par un amer sentiment d’inquiétude, lorsqu’une réforme constitutionnelle intervient pour instaurer un mandat présidentiel renouvelable à vie en 2008: une règle contraire à tout principe démocratique dans un État de droit.  

Un quatrième mandat de trop

Depuis 1999, A. Bouteflika cumule des mandats présidentiels. En 2014, il entame ainsi son quatrième mandat. L’état de santé du président remet fortement en doute sa capacité à gouverner.  En effet, en 2013 A. Bouteflika est victime d’un accident vasculaire cérébral, et les apparitions publiques du président se font donc rares. Et aux élections de 2014, une grande partie de la population est indignée par la présentation de A. Bouteflika comme candidat aux élections présidentielles, puisqu’il n’est plus capable d’assumer ses fonctions présidentielles. Une opposition forte s’est donc mise en place. Ali Benflis s’est imposé comme le principal opposant politique face à A. Bouteflika.  Le mouvement populaire « Barakat » (« ça suffit ») a également exprimé son indignation contre le quatrième mandat de A. Bouteflika. 
Si certains voient  dans ce mouvement un espoir de changement, d’autres le voient comme une menace alimentée par les puissances étrangères. 

A. Bouteflika emporte, sans surprise, les élections, avec environ 81% des voix. L’opposition parle d’une « mascarade électorale », et A. Benflis dénonce « une fraude massive » à l’élection présidentielle. 

Un environnement politique en mutation

Après l’investiture de A. Bouteflika, de nombreux changements sont intervenus. La surprise a été le licenciement de Mohamed Lamine Mediène (dit le général Toufik). Il était le général de l’armée algérienne et directeur du département du renseignement et de la sécurité (DRS), durant la période 1990 à 2015. Le ministre d’État Ahmed Ouyahia a confirmé la dissolution du DRS qui est remplacé par trois directions générales rattachées au président de la République algérienne. C’est Athmane Tartag (dit Bachir), qui a été nommé conseiller auprès du président de la République et  coordonne ainsi les trois directions générales.  Une personnalité qui n’est pas du tout étrangère à la vie politique algérienne. En effet, A. Tartag avait dirigé la cellule de lutte anti-terroriste durant la décennie noire. 

L’événement marquant de l’année 2015, a été le décès de Hocine Aït Ahmed le 23 décembre 2015 à l’âge de 89 ans. Une nouvelle qui a ravivé l’émotion chez l’ensemble de la population algérienne.  Il était le dernier survivant des neufs chefs appartenant au mouvement de résistance pour l’indépendance de l’Algérie à l’encontre de la puissance coloniale française. Il incarne une personnalité historique mais aussi il se présentait comme le principal opposant du régime depuis 1963. C’est à travers le parti qu’il a créé, le Front des forces socialistes (FFS), où il va promouvoir  ses principes et valeurs démocratiques, qu’il va défendre ardemment durant ses années d’engagement patriotique.  

Au vu de l’état de santé de A. Bouteflika qui remet en doute sa capacité à gouverner et de ses restructurations plus au moins surprenantes des institutions politiques, nous nous interrogeons sur le réel moteur de la gouvernance.

La concrétisation d’une promesse électorale : la réforme constitutionnelle

Une réforme constitutionnelle attendue depuis 2013, a été votée par les deux chambres du parlement algérien convoquées en congrès ce dimanche 7 février 2016. Cette réforme constitue la troisième depuis la prise de fonction présidentielle par A. Bouteflika. La loi portant la réforme constitutionnelle a été donc votée à main levée, et a été approuvée à 499 voix contre 2 et avec 16 abstentions. L’alliance du parti politique du front de libération nationale (FLN) et du rassemblement national démocratique (RND), a suffit pour faire passer le texte. 

La réforme constitutionnelle comprend plusieurs points. Le premier point qui ressort est la limitation des mandats présidentiels à deux, dorénavant l’alinéa 2 de l’article 74 dispose que : « Le Président de la République est rééligible une seule fois ». La durée du mandat du président est prévue dans l’alinéa 1 de l’article 74 de la constitution, qui dispose que : « La durée du mandat présidentiel est de 5 ans ». La limitation du mandat présidentiel, est vue comme un « trompe l’œil », où le régime fait croire à une volonté d’assurer une alternance du pouvoir. Si l’on se tient à la lecture du texte qui limite le nombre des mandats à deux, A. Bouteflika pourra en principe prétendre à un cinquième mandat, mais cela serait jugé comme absurde. 

Le second point que l’on peut juger comme positif, est la reconnaissance du Tamazight, une langue berbère. Cette reconnaissance intervient donc après plusieurs années de revendication par la population berbère d’Algérie. L’article 3 bis dispose que le : « Tamazight est également langue nationale et officielle ». La langue est donc reconnue comme une « langue nationale et officielle » après la langue arabe prévue dans l’article 3 de la constitution. Cette disposition démontre la prise en compte de la diversité culturelle que l’on trouve au sein de la société algérienne.


La polémique de l’exclusion des binationaux de la vie politique algérienne 

Ce qui fait grand bruit autour de cette réforme constitutionnelle est l’article 51 qui concerne l’exclusion des binationaux aux postes de haut fonctionnaire d’État. La réforme ajoute dans un alinéa 2 de l’article 51, qui dispose que : « La nationalité algérienne exclusive est requise pour l’accès aux hautes responsabilités de l’État et aux fonctions politiques ». C’est-à-dire qu’un binational doit renoncer à sa nationalité étrangère pour pouvoir exercer les fonctions politiques. Suite à cette nouvelle, des contestations ont été organisées par des organisations représentant la communauté algérienne en France. 

Dans cette même idée d’exclusion des binationaux, la réforme constitutionnelle va encore plus loin et prévoit dans l’article 73, les conditions d’éligibilité à la fonction du Président de la République « le candidat doit ne pas avoir acquis une nationalité étrangère ». Le candidat doit non seulement posséder une unique nationalité algérienne et n’avoir jamais eu de nationalité étrangère mais il doit également « attester de la nationalité d’origine du père et de la mère », ces conditions restrictives excluent une bonne partie de la communauté algérienne. Ces dispositions créent une discrimination envers cette communauté et les considérant ainsi comme des « citoyens de seconde zone ».  Il ne faut pas oublier que l’Algérie a connu la fuite de ses cerveaux à des périodes critiques, notamment durant la décennie noire, qui a poussé une partie de la population algérienne à immigrer à l’étranger. Ces migrants algériens représentent prés de 268 000 personnes, qui sont principalement présents sur le sol français. L’exclusion des binationaux contribue à ignorer des compétences et à remettre en cause le sentiment patriotique de cette communauté. Il est important de prendre en compte l’ensemble des citoyens algériens, dans une perspective d’une stratégie du développement social et politique. 

Imène BOUCHAMA
Étudiante Paris 2





Commentaires

Posts les plus consultés de ce blog

La méthode "des petits pas" de la construction européenne

Le principe de l'utilisation non dommageable du territoire, un principe presque inconnu ou souvent négligé

Sur quoi se fonde le droit international public?