Enfin, le droit syndical aussi en Chine...

Les deux principaux traits caractéristiques des relations professionnelles en France sont un système de négociation à trois niveaux, national, sectoriel, et entreprise ou établissement, un écart très important entre taux de couverture syndicale et taux de syndicalisation.

Le premier point n'est pas uniquement spécifique à la France: en Australie, en Belgique, en Finlande et en Espagne, on négocie également à la fois au niveau national, au niveau des branches et au niveau des entreprises.

Sur la période 1980-1994, le niveau privilégié de la négociation en France était la branche. Du fait de la perte de vitesse de la négociation de branche durant les trente dernières années (suite aux Lois Auroux de 1982 ayant instauré les négociations annuelles obligatoires dans les entreprises pourvues de syndicats), notamment en ce qui concerne les salaires, on peut considérer que le niveau principal pour la négociation en France est aujourd'hui l'entreprise (voir section précédente).

Dans les pays anglo-saxons, tels que le Royaume-Uni ou les Etats-Unis, la négociation a également lieu principalement au niveau des entreprises.

A l'inverse, elle est surtout centralisée dans les pays scandinaves (Norvège, Suède) tandis qu'elle a lieu au niveau des branches en Allemagne.

Dans les pays qui négocient au niveau des branches, les mécanismes d'extension sont presque systématiques, mais leurs modalités pratiques peuvent différer. En Espagne par exemple, l'extension est automatique, tandis qu'en Allemagne, elle dépend de la représentativité des organisations initialement signataires.

Par coordination explicite on entend une concertation entre syndicats de travailleurs et associations d'employeurs, éventuellement avec la participation de l'Etat. La coordination implicite prend en compte le contrôle des centrales syndicales et le rôle modèle joué par certains secteurs d'activité.

Au-delà des niveaux privilégiés pour la négociation, les modalités de présence des instances représentatives du personnel diffèrent également fortement d'un pays à l'autre.

Le système américain est le plus démocratique à l'échelle locale : la présence d'un syndicat sur le lieu de travail nécessite de recueillir la signature de 30 % des salariés pour pouvoir tenir une élection, puis de gagner cette élection à la majorité. Dans certains Etats américains (closed shop), tous les salariés ont alors l’obligation de se syndiquer.

Au Royaume-Uni, les syndicats sont reconnus dans les entreprises soit par un vote majoritaire comme aux Etats-Unis, soit directement par un accord avec l'employeur (ce qui est la pratique la plus courante).

En Allemagne, les syndicats négocient au niveau des branches (surtout les salaires), alors que seuls sont présents au niveau des entreprises des conseils d'entreprise ou d'établissement. Ceux-ci n'ont pas directement vocation à négocier les profits mais ils ont néanmoins des prérogatives assez étendues (concernant la formation et la gestion de l'emploi notamment) et disposent d'un droit de codécision sur les décisions relevant du domaine social. Ces conseils sont autorisés dès cinq salariés, et ne sont pas nécessairement syndicalisés.

S'il faut prendre garde aux comparaisons hâtives et souvent trompeuses entre pays, on peut tout de même constater que le système allemand délimite assez clairement ce qui relève de la branche et ce qui relève de l'entreprise. Cela clarifie les rôles des différentes instances et évite l'écueil français d'une cohabitation dans les entreprises de différents comités et représentants ayant vocation soit à négocier, soit à être simplement consultés sur les nombreuses questions que recouvre le dialogue social.

Vous avez toutefois des Pays pour lesquels le droit du travail et la protection/représentativité syndicale ne sont pas garanties ou ne sont qu'une nouveauté récente.

C'est par exemple le cas de la Chine.

Après deux décennies de développement économique, les travailleurs chinois sont désormais au fait de certains standards internationaux et n'hésitent plus à faire valoir leurs droits. Ces dernières années, des mouvements de grève dans de grandes compagnies étrangères implantées en Chine, et notamment la très médiatique affaire Foxconn, ont attiré l'attention sur ce nouveau type de revendications.
En Chine, ces dernières années, les grèves n’ont cessé d’augmenter en nombre et en radicalité. Alors qu’ils s’étaient longtemps contentés de demander à leurs employeurs l’application du salaire minimum, les travailleurs réclament désormais un partage plus juste des profits au sein de l’entreprise ainsi que la garantie de droits sociaux. Ils remettent clairement en cause l’arbitraire patronal et syndical et demandent parfois une refonte des syndicats.

L’augmentation et la radicalisation des conflits s’expliquent tout d’abord par le hiatus entre le progrès de la législation du travail et l’incapacité des mécanismes institutionnels à réguler les relations professionnelles. En cas de conflit, la loi contraint les travailleurs à passer d’abord par un processus de médiation, puis par un comité d’arbitrage et enfin, en cas d’échec, par les tribunaux. L’explosion, ces dernières années, des recours à ces canaux institutionnalisés de résolution des conflits est cependant trompeuse car ces dispositifs ne répondent que très imparfaitement aux attentes des travailleurs lésés : d’une part, ils sont prévus pour recevoir des plaintes individuelles et non collectives, d’autre part, ils sont notoirement inefficaces.

Ensuite, les attentes et des demandes des travailleurs migrants ont évolué. Les travailleurs de la nouvelle génération, nés dans les années 1980 et 1990, qui représentent déjà plus des deux tiers de la population migrante, sont mieux éduqués et plus qualifiés et n’ont pour la plupart jamais cultivé la terre. Certains ont grandi en ville, d’autres ont émigré avec le désir de profiter de la « vie moderne », de s’épanouir professionnellement et de fonder une famille en zone urbaine. Ils se distinguent en cela de leurs aînés qui se considéraient avant tout comme des paysans occupant un emploi temporaire en ville. La nouvelle génération a subjectivement perdu tout lien avec la campagne et ressent « un sentiment plus profond de colère et d’insatisfaction que la première génération ».

Il existe donc à l’heure actuelle une contradiction fondamentale entre les intérêts de travailleurs qui, se plaçant dans la perspective d’une intégration en ville, réclament des salaires au-delà des minima légaux ainsi que l’application des droits sociaux prévus par la loi et les intérêts d’employeurs qui luttent pour maintenir leur compétitivité dans un contexte d’augmentation du coût de la main-d’œuvre depuis 2010 et de reprise difficile de l’activité économique depuis la crise financière de 2008.

Pour parer à l’augmentation et à l’évolution des conflits, l’idée d’une participation accrue des ouvriers n’a cessé de progresser ces dernières années. Apparaissant comme une nouvelle tactique de gestion de l’instabilité sociale, elle est également portée par l’évolution de la politique économique de la Chine qui, depuis que la crise financière mondiale a entraîné une baisse des exportations, cherche à développer son marché intérieur en augmentant les salaires. Depuis 2010, certaines provinces, notamment le Guangdong, ont ainsi promu au sein des usines la tenue d’élections syndicales qui ont permis aux ouvriers d’élire leurs propres représentants. Cependant, les présidents des syndicats restent nommés par la direction, et ces élections visent avant tout à renforcer la voix des ouvriers dans les syndicats officiels et non à en promouvoir l’autonomisation. Certes, des « négociations collectives » supervisées et menées sous la férule de l’État et du Parti ont été expérimentées à Honda Nanhai et dans la branche de la restauration à Wuhan, mais en dehors du fait qu’elles ne sont pas autonomes, ces expériences sont encore très isolées.

Officiellement, les unions syndicales sont en charge de l'amélioration des conditions de travail, de la représentation et de l'organisation des masses salariales. Elles ont pour but de participer à la gestion et à la supervision des entreprises, et aux négociations collectives. Les règlements intérieurs et les décisions importantes en lien avec les intérêts des employés doivent être supervisés par les unions syndicales. 

Cependant à l'heure actuelle, l'entreprise n'est pas sanctionnée lorsqu'elle ne prend pas l'opinion de l'union syndicale en considération.

Si tout comme en Occident, les syndicats ont pour mission de préserver les droits des travailleurs, ils sont également tenus « d'observer et de garantir la Constitution, (…), de placer le développement économique au cœur de leurs activités, de soutenir la voie socialiste, la dictature démocratique du peuple, la direction du Parti communiste chinois ainsi que le marxisme-léninisme, la pensée de Mao Zedong et la théorie de Deng Xiaoping (…) et peuvent œuvrer en toute indépendance dans le respect de leurs statuts ».

Concrètement, la loi prévoit que les syndicats « coordonneront les relations professionnelles par le biais de la consultation », « inciteront les travailleurs à accomplir pleinement leur tâche de production» et les « éduqueront dans les domaines idéologique, éthique, professionnel, scientifique, culturel et autres, ainsi qu'à l'autodiscipline et à l'intégrité morale ». La loi confère aussi aux syndicats de larges prérogatives dans certains domaines tels que la « gestion et la supervision démocratiques »
et elle interdit aux travailleurs de s'organiser en dehors du cadre de l'ACFTU, seule Union syndicale autorisée en Chine. 

Suite à la réforme, le droit du travail chinois a incité toutes les entreprises à disposer d'instances de représentation.

La Loi sur les Unions syndicales concerne les organisations à but non lucratif, les agences gouvernementales, et les entreprises chinoises mais aussi étrangères en Chine. L'article 13 de cette loi prévoit que les entreprises à capitaux étrangers doivent établir des unions syndicales de manière à mener des activités syndicales et préserver les droits et intérêts des travailleurs. Toujours en vertu de la loi, ces entreprises doivent fournir aux unions syndicales les conditions nécessaires à l'accomplissement de leurs activités. 

En réalité, les entreprises à capitaux étrangers ne sont tenues d'établir des unions syndicales que lorsque le nombre de syndicalistes au sein de l'entreprise atteint un certain seuil. En pratique, le quota peut être aisément atteint, particulièrement dans les grandes entreprises.

Lorsque les entreprises comptent moins de 25 syndicalistes, trois options existent. Il peut ainsi y avoir établissement d'une union syndicale basique indépendante, d'une union syndicale basique composée par les membres de deux entreprises ou davantage ou l'élection d'un représentant chargé d'organiser des activités à l'attention des membres. Il faut noter que l'organisateur élu ne peut être assimilé à une union syndicale et n'a pas les mêmes droits.

Un représentant à plein temps doit être nommé dans les entreprises privées ou les institutions publiques comportant 200 travailleurs ou davantage. L'union peut également abandonner ce droit.
En ce qui concerne les entreprises comptant 25 syndicalistes ou davantage, la loi chinoise prévoit l'établissement d'unions syndicales.

Parallèlement, la notion de négociations collectives, introduite à la fin des années 2000 par des avocats militants et des ONG de défense des droits des travailleurs basées à Hong Kong et dans le delta de la rivière des Perles, n’a cessé de gagner du terrain et de faire l’objet de débats.

Depuis 2010, un ou deux forums nationaux sont organisés chaque année qui réunissent des avocats et des chercheurs spécialistes des questions du travail, des responsables syndicaux, des fonctionnaires et des représentants d’organisations sociales.

Ce droit, quoique nouveau, commence donc à marquer ses premiers pas aussi dans des pays très fermés et rigides comme la Chine, probablement en conséquence d'une progressive ouverture commerciale et économique et donc une majeure nécessité de confrontation et d'adéquation aux autres systèmes, afin aussi de faciliter les échanges professionnels avec d'autres pays tout en favorisant la liberté de circulation.

Ce n'est qu'un premier pas, mais sans aucun doute, petit à petit, d'autres importants pas vers la démocratisation des droits seront accomplis.





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