Les origines de la régulation des investissements internationaux

La régulation des investissements internationaux de la Cour internationale de Justice est l'une des étapes historiques d'un long processus qui, après avoir connu la naissance et le développement d'opérations économiques internationales tels les investissements privés étrangers, a vu croître la nécessité d'un juge capable de réguler ce domaine et de trancher les litiges pouvant naître de ceux-ci.

Ce processus est très ancien et montre les étapes qui ont permis d'arriver à la régulation actuelle. Certes, les véritables sources de la jurisprudence de la Cour internationale de Justice en la matière sont à rechercher dans son ancêtre, la Cour permanente de Justice internationale et notamment dans son approches jurisprudentielle, mais, les sources historiques nous permettront d'encadrer avec précision la nécessité qu'un juge international appréhende cet aspect important et courant des relations économiques internationales.

L'historique de la naissance et du développement du droit des investissements est essentiel, dans le cadre des sources de la régulation des investissements internationaux pour prouver la nécessité, qui depuis les tout débuts, est devenue croissante, d'un juge capable d'appréhender cette manière et de donner des réponses spécifiques  ces actions internationales courantes.

Si en effet les premières formes d'investissements internationaux remontent à il y a désormais longtemps, la régulation de ces contrats et plus précisément des litiges afférents est intervenue successivement et son intérêt a gagné en importance face aux exigences croissantes de ce domaine mouvant du droit international économique et à la conséquente capacité d'adaptation du juge, son régulateur.

Il sera utile et logique de commencer par la naissance de la régulation des investissements pour comprendre ensuite l'émergence des contentieux en la matière et la conséquente nécessité d'un juge international pouvant trancher de telles questions délicates.

En effet, bien qu'objet d'une importante réévaluation avec la mondialisation et les opérations de fusion-acquisition, le fait économique que constitue l'investissement n'est pas un phénomène propre au XXe siècle, mais il remonte bien plus loin au XVIe, quand le roi Philippe Ier d'Espagne, par un accord du 18 juin 1505, nommait Francisco de Tassis comme capitaine et maître des postes et le chargeait d'accomplir un service de courrier entre les différents territoires de l'Empire des Hasbourg en contrepartie des revenus provenant de cette charge, mais s'engageant à respecter certaines obligations.

L'histoire européenne offre plusieurs exemples d'investissements réalisés en dehors de l'État national par des opérateurs économiques et déjà en 1344, le Pape Clément VI avait concédé l'exploitation des îles Canaries à Louis de la Cerda pour 400 florins d'or par an.

Toutefois, la véritable question de la régulation des investissements internationaux commence par se poser lors du XIXe siècle pour arriver à son essor économique actuel.

Les principales causes de la nécessité d'une régulation dans ce domaine se retrouve dans les instabilités politiques et économiques des États de l'Amérique latine vers la fin du XIXe siècle et dans les bouleversements successifs à la première guerre mondiale.

En effet, ces deux phénomènes historiques ont été à la base de premières contestations et de premiers différends sur des investissements étrangers. À l'époque, ces contentieux faisaient l'objet d'un règlement spécialisé et temporaire qui était confié à des commissions mixtes ou à des tribunaux arbitraux mixtes de réclamation. Or, ces instances de règlement, une fois leur  mission accomplie, n'ayant plus de travail à effectuer, disparaissaient. Il ne faut non plus sous-évaluer le type de régulation qu'elles assuraient car leur décision était très souvent fortement imprégné de considérations et d'influences politiques.

À cette époque, le litige porté devant ces tribunaux temporaire avait pour but d'une part de régler le contentieux né à propos d'un investissement entre un État souverain et un investisseur privé, mais d'autre part d'allouer une indemnisation pour le dommage subi par les ressortissants des puissances coloniales ou des États vainqueurs en période de guerre et dont la responsabilité internationale était attribuée aux  colonies ou les États perdants. Il est clair alors que cette régulation, à l'époque, n'était pas dépourvue de portée politique et des conceptions de l'époque sur les rapports entre puissances coloniales et territoires dominés, ainsi qu'entre gagnant et perdant d'une guerre.

C'est ainsi dans ce cadre qu'au lendemain de la première guerre mondiale, et face aux risques d'une telle manière de régler ces litiges, que la Cour permanente de Justice internationale fut inaugurée dans le cadre de la Société des Nations comme principal organe de règlement des différends et première juridiction internationale permanente dotée d'une compétence générale, la CPJI, par son œuvre, a permis d'éclairer de nombreux aspects du droit international et a ainsi contribué au développement de ce dernier.

Or, celle-ci disposant d'une compétence générale pour régler les contentieux internationaux entre des États souverains, cette juridiction n'était pas dotée d'une compétence spécifique en matière d'investissements et, pour pallier les défauts d'un système de règlement des différends internationaux permanent et général, plusieurs propositions virent le jour et prônant l'accès des particuliers aux contentieux international de nature économique. Toutefois, le contentieux arriva quand-même devant la Juridiction, déjà en 1924, par le biais de la protection diplomatique, et ensuite avec l'important contentieux des emprunts qui à l'époque étaient assez répandus.

Le thème principal était celui de l'accès des individus, et notamment des investisseurs, à la justice internationale et plusieurs projets avaient été proposés pendant l'entre-deux-guerres qui toutefois n'aboutirent pas. Mais l'idée n'avait pas été abandonnée et c'est à cette époque que l'on assiste au règlement des contentieux entre investisseurs étrangers et États souverains par des tribunaux ad hoc constitués sur le fondement soit d'un compromis d'arbitrage, soit d'une clause compromissoire.

En 1928, la Cour eut à trancher l'affaire de l'usine de Chorzow, suite à laquelle le terme d'investissement commença à devenir langage courant dans la sphère internationale. À partir de là, on commence à parler de régulation des investissements internationaux.

Après la dissolution de la Cour permanente en 1946, la Cour internationale de Justice, instituée en juin 1945, qui vint prendre sa place dans le cadre des nouvelles Nations Unies en 1946, eut elle aussi à connaître de plusieurs litiges afférents à des questions d'investissements. Héritière de la Cour permanente, comme on le verra plus approfondiement dans les sections qui suivront, celle-ci tentera de se placer dans un rapport de continuité, s'inscrivant dans ce cadre de régulation avec beaucoup d'efforts en raison du grand nombre de critiques qui sont apportées à sa jurisprudence sur la problématique des investissements.

En effet, entre temps, on voit affleurer nombre d'initiatives dont le but était de faire en sorte que la possibilité pour un investisseur d'accéder à la justice internationale ne soit pas limitée aux seules actions en protection diplomatique par son État national. Ainsi, plusieurs tentatives d'offrir un cadre multilatéral de régulation des investissements prirent forme sans toutefois voir le jour et se concluant en de grands échecs.   Les projets devaient porter sur l'élaboration de codes des investissements internationaux capables de garantir d'une part la sécurité juridique aux investisseurs étrangers, et d'autre part d'assurer les intérêts économiques et sociaux des États d'accueil.
D'autres projets plus ambitieux se proposaient de donner naissance à un cadre multilatéral au sein des institutions internationales à vocation économique. Cela fut la cas par exemple pour l'Accord multilatéral sur les investissements (AMI) négocié au sein de l'Organisation pour la construction et le développement économique.

Or, il serait impossible de décrire avec précision toutes les étapes de ce long processus ayant abouti à l'état actuel du droit des investissements internationaux, et ceci ne correspondrait pas aux finalités de ces propos non plus. Ce que l'on voulait démontrer était le cadre dans lequel s'insère, à travers des étapes fondamentales, la régulation des investissements par la Cour internationale. Il serait en effet très difficile d'en comprendre la portée sans avoir d'abord dessiné les lignes directrices de cette évolution qui constitue aujourd'hui les sources d'une jurisprudence parfois contestée.

En effet, nonobstant les nombreux échecs visant un cadre multilatéral ou des codes internationaux pour les investissements, leur régulation a subi un important bouleversement avec la conclusion de la Convention de Washington de 1965 instituant le Centre pour le règlement des différends internationaux relatifs au investissements (CIRDI). Cette juridiction originale constitue aujourd'hui le premier terme de comparaison avec la Cour internationale de Justice dans la régulation des investissements, source de critiques et de controverses doctrinales.




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