L'origine jurisprudentielle du règlement des différends en matière d'investissements étrangers

La Cour Permanente de Justice internationale (CPJI), devancière de la Cour internationale de Justice (CIJ), a eu l'occasion, déjà dans les années 20 de connaître de différents litiges afférents aux investissements. On peut alors répartir ce contentieux en trois groupes. D'une part, avec l'affaire Mavrommatis, la Cour marque les débuts de sa compétence dans les litiges sur les investissements, d'autre part, elle se trouve très tôt à devoir se confronter avec le développement des emprunts étrangers dans les années 20 et 30 et qui ouvrent le contentieux monétaire et enfin la question se pose à nouveau avec les mesures d'expropriation en Haute-Silésie, au lendemain de la première guerre mondiale, et avec lesquelles on rentre dans le véritable contentieux relatif aux investissements et avec lesquelles elle dessine les contours d'une régulation qui sera son héritage pour la CIJ.

La question de la compétence de la Cour pour connaître des litiges concernant les intérêts des privés a été envisagée dans l'affaire Concessions Mavrommatis en Palestine du 30 août 1924.
Cette controverse mettait en cause la Grèce et le Gouvernement de Sa Majesté les droits du sieur Mavrommatis, ressortissant hellénique, résultant des contrats et accords passés avec des autorités ottomanes pour des concessions concernant des travaux publics à effectuer en Palestine. La grèce demandait ainsi à la Cour de reconnaître que ce refus avait causé un préjudice que le Gouvernement de Sa Majesté britannique était tenu à réparer. Le Gouvernement britannique, de son côté, avait soulevé une exception d'incompétence  afin que la Cour se dessaisisse.

La Cour, avant de trancher sur le fond de l'affaire, se trouvait ainsi à devoir statuer sur sa propre compétence pou connaître un tel litige.

Il est intéressant de remarquer que la séance inaugurale de la Cour Permanente de Justice internationale avait eu lieu en 1922, donc seulement deux ans avant l'affaire en question, et qui était son deuxième litige sur lequel elle avait eu à prendre une position depuis sa naissance. Ce rappel est intéressant car, déjà à l'époque, la Cour prononce et pose les bases de l'action en justice des États pour protéger leurs ressortissants, concept fondamental dans la régulation des investissements car base du mécanisme de protection diplomatique.

Ainsi la Cour, pour résoudre la question de sa compétence, devait suivre plusieurs étapes dans son raisonnement.

Elle commence alors par donner la définition d'un différend, qu'elle analyse comme « un désaccord sur un point de droit ou de fait, une contradiction, une opposition de thèses juridiques ou d'intérêts entre deux personnes ».  En procédant à l'examen de la nature du différend, l'arrêt n'énonce cette définition qu'après avoir établi que les conditions d'existence d'un différend sont remplies. En d'autres termes, il ne suffit pas que l'une des parties à une affaire contentieuse affirme l'existence d'un différend avec l'autre partie. La simple affirmation ne suffit pas pour prouver l'existence d'un différend, tout comme le simple fait que l'existence d'un différend est contestée ne prouve pas que ce différend n'existe pas. Cette définition sera ainsi reprise par la Cour internationale de Justice, à l'instar d'autres juridictions internationales.

Mais si l'on considère alors que le litige entre le Gouvernement hellénique et le Gouvernement de Sa Majesté britannique doit être analysé en un différend au sens de la définition fournie par la Cour, il est alors inévitable, comme la Cour même le fait, de se poser d'ultérieures questions comme celle de savoir si le litige concerne deux États, condition nécessaire à remplir pour que la Cour puisse s'estimer compétente.

En effet, le différend initial concernait le Gouvernement de Sa Majesté britannique et Monsieur Mavrommatis, ressortissant hellénique, en raison des concessions pour l'exécution de certains travaux publics en Palestine et concernait ainsi des intérêts privés résultant de contrats et accords conclus avec les autorités ottomanes.
Ce différend disposait-il alors d'une nature interétatique justifiant la compétence de la Cour conformément à son Statut et au Pacte de la Société des Nations?

C'est sur ce point que la réponse apportée par la Cour résulte être extrêmement intéressante pour la régulation des investissements et qui sera par la suite l'interprétation suivie également par la Cour internationale de Justice dans des affaires où les intérêts des investisseurs seront pris en jeu.

La Cour énonce alors que « c'est un principe élémentaire du droit international que celui qui autorise l'État à protéger ses nationaux lésés par des actes contraires au droit international commis par un autre État, dont ils n'ont pu obtenir satisfaction par les voies ordinaires. En prenant fait et cause pour l'un des siens, en mettant en mouvement, en sa faveur, l'action diplomatique ou l'action judiciaire internationale, cet État fait, à vrai dire, valoir son droit propre, le droit qu'il a de faire respecter en la personne de ses ressortissants, le droit international ».

Dans cette phrase, qui sera reprise à maintes reprises par les juridictions internationales et notamment par la CIJ et qui énonce un principe considéré désormais comme coutumier, on retrouve l'explication de l'action en protection diplomatique. En d'autres termes, la compétence de la Cour dans un litige concernant des intérêts privés, comme par exemple dans le cas d'un investissement privé étranger, est fondé sur la protection diplomatique exercée par l'État à l'égard de son ressortissant.

En effet, ce mécanisme permet à un État de prendre « fait et cause » pour son ressortissant qui estime avoir subi un dommage de la part d'un autre État. Ainsi, le litige qui au départ opposait un individu à un État dans son ordre juridique interne devient international en opposant deux États dans l'ordre juridique international car c'est le préjudice même subi par l'État en celui causé à son ressortissant qui change la nature du litige. En effet, la Cour considère que la victime de l'acte illicite est l'État lui-même, raison pour laquelle, en demandant de son propre chef la réparation pour cet acte à l'autre État, le différend prend la forme d'un différend interétatique conférant ainsi la compétence à la Cour pour en connaître.

Il ne faut sous-évaluer cette étape qui est fondamentale dans la régulation des investissements internationaux devant la Cour permanente et qui le sera encore davantage devant la CIJ.

En effet, les moyens offerts à un État pour rentrer dans un contentieux pour un investissement privé étranger sont soit les négociations diplomatiques, soit la protection diplomatique. Et cela est aussi valable pour que la Cour internationale puisse connaître d'un tel litige, car il faudra une violation du droit international et dont la réparation sera demandée, le plus souvent dans le cas des investissements, par le biais de cet instrument qui est la protection diplomatique.

« Autrement dit, l'État qui entend agir en protection diplomatique peut certes se limiter à utiliser, ou du moins commencer par utiliser, le canal diplomatique, mais il peut également utiliser tout autre canal disponible, c'est-à-dire recourir à n'importe quel moyen de règlement des différends internationaux qui soit pertinent en l'espèce  ».

À ce propos, toujours dans cette affaire, la Cour a considéré que les négociations n’étaient pas un préalable à épuiser avant la saisine de la juridiction. Toutefois, le recours aux négociations est un élément important pour circonscrire de manière précise l’objet du différend et parfois rend superflu le recours devant une juridiction car « il est vrai que l'État ne se substitue point à son ressortissant, qu'il fait valoir son propre droit et que, partant, dans les négociations diplomatiques peuvent intervenir des considérations étrangères à la discussion qui avait eu lieu auparavant entre l'individu et les autorités compétentes. Mais si les négociations diplomatiques entre les gouvernements ont eu leur point de départ dans les discussions antérieures, il se peut très bien que celles-ci aient été de nature à rendre superflue une discussion nouvelle des points de vue qui sont à la base du différend ». La Cour se rend ainsi compte de l'importance de cette règle car elle reconnaît que, pour qu'un différend fasse l'objet d'un règlement devant une juridiction internationale, son objet doit avoir été préalablement et nettement défini par des pourparlers diplomatiques.

Or, cette exigence, on la retrouvera également dans la jurisprudence de la CIJ et fera l'objet d'importants arrêts sur les investissements internationaux, mais elle sera interprétée de manière plus stricte. En effet, la Cour internationale exigera que l'investisseur ait préalablement épuisé les voies de recours internes qui lui sont ouvertes par le droit dont il prétend avoir subi un dommage, condition parfois difficile à remplir ou dont l'interprétation pourra créer des problèmes aux juges de La Haye.

Il n'en demeure pas moins que cette jurisprudence ouvre la porte du contentieux des investissements internationaux dans le cadre du principal organe judiciaire du système de la Société des Nations et inaugurera également cette régulation pour les Nations Unies.

Mais, les rapports entre la Cour et le droit international économique vont vite s'élargir aussi à l'aspect monétaire et financier des investissements internationaux.

Dans l'affaire des emprunts serbes, la Cour avait été saisie en raison d'un différend opposant le Gouvernement serbe-croate-slovène au Gouvernement français pour des emprunts serbes. En effet, une loi serbe avait autorisé, en 1895, un nouvel emprunt unifié, portant ainsi conversion des emprunts 5% existants en un seul emprunt 4%. Ces mesures devaient avoir pour but, selon l'État serbe-croate-slovène, de consolider la confiance dans le crédit de la Serbie et de dédommager les créanciers de celle-ci de la réduction du taux d'intérêt. Or, l'émission se faisant sur plusieurs places étrangères, le Gouvernement serbe conclut différents accords avec des banques en vertu duquel d'une part, il devait tenir à disposition de celles-ci et sous certaines conditions, les titres à créer, et d'autre part, on fixait les conditions de l'émission par ces banques des emprunts. En total  cinq emprunts avaient été faits aux porteurs français en francs français, valeur courante. Or, ce service avait régulièrement été assuré pendant la guerre entre 1914 et 1918, mais, à partir de 1924, les porteurs avaient commencé à refuser le paiement de leurs coupons sur cette base, mais voulant que le service soit fait sur la base de l'or. Les porteurs français demandèrent alors à leur Gouvernement  une intervention dans l'affaire, celui-ci estimant que les porteurs français des emprunts étaient fondés à demander le paiement en or, alors que le gouvernement serbe-croate-slovène  retenait que ledit paiement ne devait avoir lieu qu'en monnaie française.

L'affaire est ainsi soumise à l'attention de la Cour Permanente, en vertu du préambule du compromis du 19 avril 1928.
la question qu'elle se trouvait à devoir résoudre était celle de savoir si le Gouvernement serbe-croate-slovène avait le droit d'assurer le service des emprunts en monnaie française comme il l'avait fait jusqu'à ce moment là, ou si il devait respecter la volonté du Gouvernement français de les effectuer en or, bien que la monnaie courante était le franc-papier.

Selon le Gouvernement français, en effet, « les porteurs de titres de cet emprunt ont, quelle que soit leur nationalité, le droit d'obtenir, à leur libre choix, le paiement du montant nominal de leurs coupons échus mais impayés et de ceux à échoir ainsi que de leurs titres sortis aux tirages mais non remboursés et de ceux à sortir (...) ».

Or, un problème toutefois n'avait pas été soulevé par les deux États. Le compromis qu'ils avaient conclu et qui conférait compétence à la Cour définissait le différend en retenant non pas les thèses des deux Gouvernements, mais en énonçant d'une part la thèse du Gouvernement de Serbie et d'autre part, celle des porteurs français. La Cour pouvait-elle alors s'estimer compétente pour connaître d'un litige mettant en cause des personnes privées et un seul État souverain?

Comme elle même affirma dans son arrêt « cet examen s'impose par le fait que la juridiction que la Cour est appelée à exercer en vertu du compromis entre la France et l'État serbe-croate-slovène semble, à première vue, s'écarter des principes que la Cour, dans des arrêts antérieurs, a établis eu égard aux conditions dans lesquelles un État peut porter devant elle des affaires ayant trait aux droits privés de ses ressortissants ».
En effet, en vertu de l'article 14 du Pacte, la Cour peut connaître de tous les différends que les parties lui soumettront à condition qu'ils disposent d'un caractère international.

Or, en l'apparence, le différend semblerait satisfaire à cette condition, ayant été porté devant la Cour par les deux États. Toutefois, à la lecture du compromis, le différend concernait le Gouvernement serbe-croate-slovène et les porteurs français et non pas le Gouvernement français, ce qui empêcherait ainsi la Cour de s'estimer compétente, car « seuls les États ou les Membres de la société des Nations ont qualité pour se présenter devant la Cour ».

Cependant, la CPJI après avoir vérifié sa compétence au regard du Pacte et de son Statut, affirme que le différend entre l'État serbe-croate-slovène et les porteurs français a un caractère international et ceci en raison de la divergence de vues entre l'État français et l'État serbe-croate-slovène, alors que, si l'on considère d'autres éléments, le différend releverait des rapports de droit interne, sans avoir à s'appliquer le droit international.

En effet, selon l'analyse accomplie par la Cour, s'il est vrai que tant le Pacte de la SdN, tant son Statut, ne lui permettent pas de régler une affaire qui ne concernerait pas deux États, comme il semblerait en l'espèce, il ne faut toutefois oublier que l'État français, malgré les termes erronés du compromis la rendant compétente, avait le droit d'agir en protection diplomatique à l'égard des porteurs français en raison de la violation d'un accord international et bien que des intérêts privés et économiques étaient en jeu en l'espèce.

Or, selon la Cour, la base de sa compétence résidait dans une divergence de vues entre les deux Gouvernements car lorsque les porteurs des emprunts serbes décidèrent de demander l'intervention du Gouvernement français par la voie diplomatique, des divergences apparurent, l'un retenant accomplir le service des emprunts conformément aux obligations contractuelles, et l'autre estimant que les porteurs disposaient d'une liberté de choix des modalités de paiement.

Ce serait donc sur cette opposition que se fonderait la compétence de la CPJI et non pas sur la controverse entre Serbie et porteurs français. Cette optique permet à la Cour de déclarer l'affaire portée devant elle comme recevable tant en la forme qu'en son objet.

Or, bien que le règlement de cette affaire touche à des questions internes, cela n'empêche pas la Cour d'en avoir à connaître car « il ne serait guère exact de dire que seules des questions de droit international peuvent être l'objet d'une décision de la Cour ».

La Cour profite de l'occasion pour donner une formulation incontestée de la souveraineté monétaire de l'État comme « principe généralement admis que tout État a le droit de déterminer lui-même ses monnaies  » et qui deviendra un principe fondateur en droit international économique par la suite.

En vertu de ce principe, les porteurs des titres de l'emprunt, quelle qu'en soit la nationalité, ont le droit d'obtenir le paiement du montant nominal de leurs coupons échus mais impayés et de ceux à échoir, ainsi que de leurs titres sortis au tirage mais non remboursés et de ceux à sortir. La Cour précise que « s'il est question de s'acquitter en francs-or, cela doit s'entendre conformément à l'interprétation ci-dessus donnée, en ce sens que, si le franc ayant cours légal sur la place prévue pour le paiement n'a pas valeur du franc-or telle qu'elle est définie par le présent arrêt, le paiement doit être effectué par un nombre de francs dont la valeur correspond à la valeur des francs-or dus ».

Par cet arrêt, la Cour vient préciser que, dans le cadre d'emprunts contractés entre un État et des porteurs étrangers, ceux-ci disposeront de la possibilité d'obtenir le paiement de la valeur nominale de leurs coupons à sortir ou échus sans avoir été remboursés.

La liberté de choisir la monnaie à utiliser pour les paiements courants reconnue par la Cour est donc grande.

Comme on le verra par la suite, ce cadre sera repris dans l'affaire des emprunts norvégiens portée devant la CIJ quelques années après.

Or, il reste un point à soulever qui est celui du recours à la force majeure pour se libérer de la dette contractée. En effet, durant le cours des débats, le Gouvernement serbe-croate-slovène avait invoqué la circonstance de la force majeure comme impossibilité matérielle d'honorer le paiement de sa dette. Il plaidait ainsi que la force majeure libérait un débiteur de son obligation en raison de l'impossibilité de la respecter pour cause d'un fait imprévu et duquel le Gouvernement ne pouvait pas être considéré comme responsable.

Le Gouvernement serbe plaidait également qu'une situation interne grave ne pouvait pas justifier l'imposition à un État de la charge du paiement intégral de ses dettes extérieures. Or, à ces affirmations, le Gouvernement français avait répondu qu'une situation grave pouvait très bien justifier le non respect des stipulations contractuelles contenues dans un accord de prêt.

La Cour prenant part à l'affaire répondit que, en cas de force majeure, l'État pouvait se trouver dans l'impossibilité matérielle de faire face à ses dettes et que, dans un tel cas, le non respect de ses obligations conventionnelles ne pouvait pas être considéré comme une violation du droit international, voire un fait illicite international.

Cette affaire nous intéresse dans ces développements car elle fixe la question de la force majeure dans les relations économiques internationales et notamment dans des questions monétaires comme celle de la dette extérieure et sera l'un des arrêts qui deviendront par la suite le cadre de la régulation de la CIJ en matière économique et applicable aux questions relatives aux investissements internationaux.

Dans l'affaire relative au paiement en or des emprunts brésiliens, le Gouvernement fédéral brésilien avait contracté des dettes auprès de banques privées françaises et qu'il aurait dû rembourser en francs-or. Le Gouvernement brésilien avait fait valoir la situation de force majeure qui le mettait dans l'impossibilité d'effectuer un tel paiement, alors que le Gouvernement français rejetait cet argument.

La Cour, affirme que son applicabilité en l'espèce ne peut pas être retenue car « le bouleversement économique causé par la grande guerre n'a pas, au point de vue des principes juridiques, libéré de ses obligations le Gouvernement brésilien. Pour ce qui est des paiements or, si l'on considère la promesse comme visant un paiement de valeur or, on ne saurait invoquer l'impossibilité du fait que l'on ne peut obtenir des pièces or. Il est possible de se procurer l'équivalent de la valeur or ». Elle admet néanmoins que l'argument de la force majeure est invocable en droit international et qu'un État se trouvant dans cette position pourrait ne pas payer une dette contractée tant vis à vis d'autres États, tant de particuliers.

Cette analyse est à comparer avec celle adoptée par la CPJI dans l'affaire de la Société commerciale de Belgique. Dans cette affaire - il est opportun d'en rappeler brièvement les faits – le Gouvernement grec avait contracté des dettes auprès de cette société privée mais il s'était trouvé ensuite dans une situation ne lui permettant pas de respecter l'accord ainsi conclu. Le Gouvernement belge avait alors demandé l'arbitrage de la Cour.

Celle-ci avait alors déclaré que le Gouvernement grec, en refusant de payer ses dettes, avait commis une violation du droit international car il était tenu, en l'espèce, par deux jugements arbitraux antérieurs. Dans le débat contradictoire devant la Cour, le Gouvernement belge avait affirmé que l'on ne pouvait pas considérer comme un cas de force majeure  l'empêchement de fait, résultat de la situation financière d'un État, alors que la Grèce, dans une situation économique très grave répondait que l'État avait de devoir de suspendre l'exécution de l'affaire jugée pour sauvegarder la paix sociale et l'ordre public, pour ne pas compromettre l'existence économique du pays et le régulier fonctionnement des services publics.

Or, dans le cas des emprunts brésiliens, aucune décision précédente devait être respectée au-delà des obligations conventionnelles mêmes.

Ceci prouve que la force majeure, outre qu'être un principe reconnu aussi en droit international, ainsi qu'en droit interne, est un moyen applicable aux relations économiques internationales, notamment financières et monétaires et cela, en particulier lorsqu'un État se trouve dans une situation difficile tant au niveau économique que politique. Elle fonde alors un droit légal pour une suspension des paiements et des obligations provenant d'accords internationaux.

À cette question, s'en rattache une autre bien importante qui est celle de l'annulation de la dette extérieure car, si une telle situation de force majeure se prolonge rendant définitivement impossible l'exécution de l'obligation financière, cette suspension ou le retard dans les paiement ne peuvent que se traduire en une annulation ou en une extinction de la dette extérieure de l'État en difficulté.

Or, la reconnaissance de la possibilité d'appliquer la force majeure dans les relations économiques internationales par la Cour va avoir des effets juridiques importants.

D'une part, en effet, on ne pourra pas reprocher à l'État victime d'une force majeure un fait international illicite en raison de la violation d'un traité ou d'un accord international de nature économique. En effet, si, tout en reconnaissant la gravité de la situation de l'État, on l'obligeait à régler ses dettes,  on mettrait le même État dans une situation très dangereuse pour sa propre survie.
Par conséquent, l'État ne pourra pas voir sa responsabilité engagée au niveau international.

D'autre part, tout État pourra invoquer cette règle de la force majeure, indépendamment de son existence dans les stipulations contractuelles. Selon les termes de la Cour, en effet, une telle force constitue un droit objectif pouvant alors être utilisé à défaut d'avoir été prévu au préalable: il s'agit alors d'une règle coutumière dont il conviendra tenir compte dans le cadre de la régulation économique et notamment des investissements internationaux.

Ces arrêts montrent, déjà dans le règlement des différends internationaux offert par la CPJI, l'importante place occupait par  le système de contrôle des changes et notamment de la monnaie. Il sera par la suite repris par la CIJ avec l'affaire des emprunts norvégiens.

La question de l'expropriation a fait l'objet de deux affaires importantes devant la Cour et l'une conséquente de l'autre, l'affaire de certains intérêts allemands en Haute-Silésie et celle de l'usine de Chorzow.

En effet, suite à la première guerre mondiale, la Pologne avait décidé d'exproprier un certain nombre de biens allemands situés sur son territoire et notamment en Haute-Silésie polonaise, parmi lesquels une usine d'azote située à Chorzow. Cette expropriation est à l'origine du différend entre les deux pays et donnera lieu à différents arrêts de la Cour Permanente.

Ainsi dans l'arrêt sur Certains intérêts allemands en Haute-Silésie polonaise la Cour avait été saisie par le Gouvernement du Reich allemand ayant introduit devant elle une instance suite à l'action d'expropriation de fonds ruraux de propriété de deux sociétés anonymes allemandes sur le territoire polonais.
Or, le Gouvernement polonais affirmait de son côté que la Cour était incompétente pour trancher le litige car d'une part, la Convention de Genève  s'opposerait à un examen par la Cour  de la conformité de la loi polonaise du 14 juillet 1920 comportant la mesure d'expropriation aux dispositions de la Convention et car d'autre part, le caractère abstrait de la demande portée devant la Cour serait  incompatible avec l'article 39 du Statut de celle-ci et car enfin, il n'y avait aucune divergence d'opinions entre l'Allemagne et la Pologne sur le sens à donner aux articles 6 à 22 de ladite Convention.

La Cour affirme alors que, du moment où la Pologne a pris une loi que le Gouvernement allemand estime porter atteinte aux intérêts légitimes de ses ressortissants en Haute-Silésie et contraire à la Convention de Genève, il y a là une divergence sur l'interprétation d'un traité international qui confère compétence à la Cour pour résoudre le conflit.

En effet, l'article 2 de la Convention disposait que: « abstraction faite des stipulations du paragraphe 1, la question de savoir si des dispositions édictées par la Pologne sont conformes aux stipulations de l'article 1, ne pourra pas faire l'objet d'un examen par une instance internationale, même en cas d'évocation ». En vertu de cet article, la question de savoir si les mesures prises par la Pologne sont conformes à l'article 2 §2 de la Convention, lequel prévoit d'une part le maintien du droit en vigueur en haute-Silésie sous certaines conditions, et d'autre part, la possibilité pour la Pologne de changer certaines dispositions juridiques de fond, ne peut pas faire l'objet d'un contrôle par une juridiction internationale.

Or, la Cour estime que ce contrôle n'est possible que pour ce qui concerne la conformité des mesures prises par la Pologne à l'article Premier de la Convention mais que l'article 2 ne tombe pas sous le coup d'une telle interdiction et donc la Cour peut analyser la question de savoir si une loi est conforme à d'autres dispositions de la Convention même.

Pour ce qui est de la dernière objection soulevée par la Pologne quant au caractère abstrait de la demande formulée par l'Allemagne devant la Cour, celle-ci, en faisant référence à l'article 14 DU Pacte, rappelle qu'elle peut être saisie de « tous différends d'un caractère international que les parties lui soumettront » et que donc la question en interprétation d'une Convention rentre bien dans cette catégorie. Or, la Cour n'est pas appelée en l'espèce à se prononcer sur l'interprétation à donner à la loi polonaise de 1920, mais elle peut néanmoins se prononcer sur la conformité de l'action de la Pologne, lorsqu'elle applique cette loi, avec la Convention de Genève.

C'est donc à partir du moment où la Cour s'estime compétente qu'elle va analyser le fond de l'affaire et notamment les dispositions de l'article 256 du Traité de Versailles prévoyant que « les Puissance cessionnaires de territoires allemands acquerront tous biens et propriétés appartenant à l'Empire ou aux États allemands situés dans ces territoires. La valeur de ces acquisitions sera fixée par la Commission des Réparations et payée par l'État cessionnaire à la Commission des Réparations pour être portée au crédit du Gouvernement allemand à valoir sur les sommes dues au titre des réparations».

Ainsi, la question à laquelle la Cour se trouve confrontée est celle de savoir si une telle disposition pouvait être appliquée à la mesure d'expropriation prise par le Gouvernement polonais à l'égard des fonds ruraux détenus par les deux sociétés anonymes allemandes. La réponse doit être négative et la Cour estime que cette expropriation était illégale et contraire aux principes du droit international car d'une part, la Pologne n'était pas partie contractante au traité, ni au Protocole de Spa, n'était pas reconnue comme bélligérante par l'Allemagne  et n'avait pas adhéré ultérieurement et tacitement au Traité. D'autre part, bien que les principales puissances alliées avaient reconnu les forces armées polonaises comme une armée autonome, alliée et co-belligérante, cela ne pouvait pas être opposé à l'Allemagne qui n'y avait pas pris part.

Or, si le Traité de Versailles, et notamment son article 256, n'était pas applicable en l'espèce, l'action menée par le Gouvernement polonais en Haute-Silésie n'avait pas de justification et constituait ainsi un acte illicite international aboutissant à la condamnation de la Pologne.

Or, le différend toutefois reviendra à nouveau devant la Cour, celle-ci cette fois saisie de la question des conséquences d'une telle condamnation.

Ainsi, dans l'affaire Usine de Chorzow, elle poursuit son raisonnement donnanat une explication plus précise de cet acte et de ses conséquences, notamment, le devoir de réparer le dommage causé.

En effet, la question de la responsabilité de l'État à raison de la méconnaissance d'un traité, s'est posée longtemps seulement sous l'angle du droit international. Elle est apparue dans le droit moderne lorsque les instruments internationaux ont été complétés par des mécanismes juridictionnels destinés à assurer la plus complète application.
Assez vite, l'idée s'est imposée que la violation d'un traité par un État partie devait être sanctionnée non seulement par la reconnaissance de cette violation par une instance juridictionnelle ou arbitrale, mais aussi dans toute la mesure du possible, par la réparation des conséquences de la violation par l'État qui en est responsable.

Posée dans son principe dans la sentence arbitrale du 14 septembre 1872 dans l'affaire dite de l'Alabama, cette règle a été l'une des premières affirmées par la Cour permanente de Justice internationale dans son arrêt du 13 septembre 1928.

Dans l'affaire de l'usine de Chorzow, la CPJI se prononce sur sa compétence pour connaître de la question de la compensation formulée par l'Allemagne suite au préjudice subi par les deux sociétés anonymes allemandes dont les biens sur le territoire polonais avaient été expropriés. Celle-ci considérait que « cette question (...) [pouvait] avoir une influence sur l'efficacité de la réparation ».

Ainsi, un État, lorsqu'il est reconnu responsable de la violation d'un engagement international, a l'obligation principale de réparer le dommage causé, de faire cesser l'acte illicite et de faire en sorte qu'une telle violation ne se répète pas. La CPJI précise alors que « c'est un principe du droit international, voire une conception générale du droit, que toute violation d'un engagement comporte l'obligation de réparer  ».

Cette question s'insère parfaitement dans le cadre des premières régulations des investissements internationaux et mérite par conséquent une analyse plus approfondie. En effet, après une première étape où la Cour a précisé que l'expropriation des biens d'un étranger, et notamment de sociétés étrangères détenant légalement des biens ou des intérêts économiques sur le territoire d'un autre État, n'est pas conforme au droit international, elle doit, dans une deuxième étape, expliciter les effets d'une telle énonciation.

Le Gouvernement allemand, fondant sa requête sur l'arrêt n° 7 de la Cour, demandait que la Cour reconnaisse l'obligation du Gouvernement polonais de réparer le préjudice subi par les deux sociétés allemandes, une allocation d'indemnités et la fixation du mode de paiement de celles-ci. Or, il y avait une première divergence entre les deux Gouvernements car, d'une part l'Allemagne retenait ne pas intervenir en tant que représentant des sociétés ayant été victime du dommage, mais en au motif que son propre droit aurait été lésé par l'action conduite à l'égard desdites sociétés. Quant au Gouvernement polonais, d'autre part, il affirmait que le litige ne pouvait pas être considéré comme de nature interétatique, le Gouvernement allemand ayant lui-même identifié dans l'obligation d'indemniser les sociétés l'objet de la controverse.

Or, la Cour, se fondant sur son arrêt précédent, rappelle que bien que d'autres instances arbitrales aient été instituées pour régler des litiges mettant en cause les intérêts des particuliers, et bien que des réclamations aient déjà été introduites devant l'une de ces instances par les sociétés, doit baser son raisonnement sur le caractère purement interétatique de la question portée devant elle, comme elle avait déjà fait dans l'affaire de la Haute-Silésie.

Les juges internationaux deviennent alors pédagogues et explicitent les conséquences de l'expropriation intervenue en toute clarté: « il est un principe de droit international que la réparation d'un tort peut consister en une indemnité correspondant au dommage que les ressortissants de l'État lésé ont subi par suite de l'acte contraire au droit international. C'est même la forme de la réparation la plus usitéee; l'Allemagne l'a choisie en l'espèce, et son admissibilité n'est pas contestée. Mais la réparation due à un État par un autre État ne change pas de nature par le fait qu'elle prend la forme d'une indemnité pour le montant de laquelle le dommage subi par un particulier fournira la mesure. Les règles de droit qui déterminent la réparation sont les règles de droit international en vigueur entre les deux États en question, et non pas le droit qui régit les rapports entre l'État qui aurait commis un tort et le particulier qui aurait subi le dommage ».

Les juges de La Haye viennent ainsi expliquer que la réparation doit s'analyser en un complément indispensable du manquement commis par l'État défendeur et que ce principe ne peut pas être contesté car il a été désormais confirmé à maintes reprises. Il est donc devenu une règle de droit coutumier.

Or, le fait que l'Allemagne ait demandé que l'allocation des indemnités soit versée sur les comptes des sociétés, ne change en rien la nature du litige qui demeure interétatique, les indemnités devant être payées au Gouvernement allemand et constituant une créance de celui-ci et le transfert sur des comptes privés devant être analysé seulement comme un locus solutionis.

Toutefois, si le principe n'est pas contesté, il reste une divergence à analyser qui concerne l'étendue du dommage subi et les modalités de réparation et c'est sur ce point que la question devient encore plus intéressante à l'égard de la régulation des investissements. Comment en effet la Cour analyse et détermine-t-elle l'étendue de cette réparation?
Si la réparation du dommage peut consister en une indemnité , son montant doit alors « correspondre à la valeur qu'aurait la restitution en nature », plus « l'allocation (...) de dommages-intérêts pour les pertes subies (...) qui ne seraient pas couvertes par (...) le paiement qui (...) prend la place » de cette restitution.

Mais la Cour fait une différence importante entre l'expropriation et la mainmise. Elle considère que l'acte de la Pologne doit être considéré comme une mainmise et non pas comme une expropriation, ce qui finit par mettre les sociétés en une situation moins favorable. En effet, une expropriation, si suivie par une allocation d'indemnité équitable, aurait pu être considérée comme légitime, alors qu'une mainmise sur des biens ne pouvant pas être expropriés même contre une indemnité équitable ne pouvait en aucun cas trouver une justification. Or, si alors il y a lieu en l'espèce à réparation, ce n'est pas en raison du non respect de la Convention, mais de l'action même de l'État qui est illicite et contraire aux dispositions de celle-ci. La situation résulte alors encore moins favorable pour la Pologne car, si il était question d'expropriation, l'indemnité à verser au Gouvernement allemand aurait correspondu à la valeur de l'entreprise lors de l'action de dépossession avec les intérêts jusqu'au jour du paiement.

La Cour fait alors une application stricte du principe de réparation tel que conçu en droit international dont le but est d'effacer les conséquences de la violation afin de rétablir la situation précédente à l'acte. La réparation devra alors correspondre à une réparation en nature ou, si cela ne serait pas possible, à la somme correspondante. Elle rajoute également que des dommages et intérêts pourront être alloués pour réparer les pertes subies et que la restitution en nature ou son équivalent ne pourraient pas couvrir.

Or, ces principes rappelés par la Cour pour déterminer le montant de l'indemnité en raison d'un fait contraire au droit international permettent à la Cour de protéger d'une manière équitable le demandeur victime de la violation du droit international car, sa situation ne rentrant pas dans les stipulations prévues par la Convention de Genève, il risquait de se trouver dans une situation plus défavorable que celle dans laquelle la Pologne avait respecté la Convention et on se trouvait dans une situation de simple expropriation.

Ainsi, la Cour, afin d'éviter une telle injustice et pour respecter les termes et le but même de ladite Convention doit trouver une solution qui garantisse une juste réparation pour l'Allemagne et un moyen de faire peser sur la Pologne son acte qui, bien que non prévu par la Convention, celle-ci faisant référence à la seule expropriation sans compter aussi la mainmise, était contraire au droit international qui prévoit la défense de liquider les biens, les droits et les intérêts des ressortissants étrangers sur le territoire d'un autre État.

Par cette jurisprudence, la CPJI vient poser une pierre angulaire dans les premières affaires concernant la régulation des investissements privés étrangers et qui sera par la suite consolidée, au fil des années, par le droit international coutumier, ainsi que reprise et approfondie par la jurisprudence de la Cour internationale de Justice, son héritière.



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