Qu'est-ce qu'est la compétence universelle?

La compétence universelle est obligatoire aux yeux du droit international, dans une certaine mesure et pour certains crimes seulement. En effet, les pays qui ont adhéré à différentes conventions de protections de droits fondamentaux se retrouvent obligés par ces mêmes conventions de réprimer les crimes les plus graves :

Les crimes de guerres : rechercher les suspects présents sur le territoire et les poursuivre ou les dénoncer à d'autres juridictions qui les poursuivront sous des charges suffisantes (Convention de Genève, art. commun 49/50/129/146).
Les crimes contre l'humanité doivent être réprimés là où ils sont commis. L'État du lieu d’arrestation est titulaire de l’obligation d’assurer les poursuites s’il n’extrade pas l’auteur vers un autre État.
Les crimes de génocide : seuls les États où a eu lieu le génocide doivent poursuivre, les autres États n’ont d’autre obligation que celle d’extrader ces auteurs vers l’État du lieu du crime (article VII de la Convention de Paris pour la prévention et la répression du crime de génocide). La jurisprudence de la Cour internationale de justice ne limite pas l'obligation qu'a ainsi chaque État de prévenir et de réprimer le crime de génocide territorialement.
Les crimes économique, et écologique, national, transnational et planétaire

En France, les dispositions relatives à la compétence universelle sont contenues dans le code de procédure pénale aux articles 689 et suivants. Ces textes permettent aux juridictions françaises de poursuivre et juger les auteurs d'infractions commises hors du territoire français lorsqu'une convention internationale leur donne compétence pour connaître de l'infraction. Les articles 689-2 et suivants du même code énumèrent les conventions internationales en application desquelles les juridictions françaises sont compétentes au titre de la compétence universelle. Peuvent ainsi faire l'objet de poursuites les auteurs ou complices d'actes de torture, de terrorisme, d'utilisation illicite de matière nucléaire, de piraterie maritime et aérienne et de corruption.

Une personne pourra faire l'objet de poursuites au titre de la compétence universelle « si elle se trouve en France » selon l'article 689-1 du code de procédure pénale. Un lien de rattachement au territoire est ainsi exigé contrairement à d'autres législations qui ont pu consacrer une compétence universelle absolue sans considération pour le lieu d'arrestation de l'auteur. Cette condition est toutefois interprétée de manière souple par la jurisprudence.
Par ailleurs, aucune poursuite ne pourra être exercée contre la personne qui justifie avoir déjà été jugée à l'étranger pour les mêmes faits ou, en cas de condamnation, que la peine ait été exécutée ou prescrite. Il s'agit là de l'application du principe non bis in idem qui commande qu'une personne ne puisse pas être jugée deux fois pour les mêmes faits.

En mars 2009, la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) s'est prononcée sur la conventionnalité du système de compétence universelle français. Ce recours devant la CEDH formé par M. Ould Dah fait suite à l'arrêt rendu par la chambre criminelle de la Cour de cassation en octobre 2002. Dans cet arrêt, la chambre criminelle a considéré que la loi d’amnistie mauritanienne du 14 juin 1993 ne saurait empêcher des poursuites contre un officier mauritanien trouvé en France et ayant commis des actes de torture en Mauritanie entre 1990 et 1994. Pour la chambre criminelle, « l’exercice par une juridiction française de la compétence universelle emporte la compétence de la loi française ». Le requérant invoquait notamment devant la Cour Européenne des droits de l'homme le fait que les juridictions françaises lui avaient refusé le bénéfice de l’amnistie et appliqué rétroactivement la loi française s’agissant de la qualification des actes de torture ce qui constituait une violation du principe de légalité. La CEDH a alors considéré que la condamnation de M. Ould Dah pour des faits de torture ne méconnaît pas le principe de légalité consacré par l’article 7 de la Convention européenne des droits de l'homme considérant l’importance de l’interdiction de la torture et la prévisibilité de l’incrimination française. La CEDH justifie ainsi le système de compétence universelle français et reconnaît l’applicabilité de la loi de l’État qui exerce la compétence universelle.

La loi entrée en vigueur le 9 août 2010 adaptant le droit pénal français au Statut de Rome définit la compétence extraterritoriale des juridictions françaises pour les crimes relevant de la compétence de la Cour pénale internationale : génocide, crimes contre l'humanité et crimes de guerre. A ainsi été introduit l'article 689-11 du Code de procédure pénale qui conditionne l'exercice de cette compétence à quatre conditions : la résidence habituelle de l'auteur présumé des faits sur le territoire français, l'incrimination des faits par la législation de l'État où ils ont été commis, le monopole des poursuites par le ministère public et la renonciation de la compétence par la Cour pénale internationale. La condition de résidence avait notamment fait l'objet de critiques à la suite de l'adoption du projet de loi par le Sénat le 10 juin 2008. La Commission des affaires étrangères de l’Assemblée nationale, la Commission nationale consultative des droits de l'homme, la Coalition française pour la Cour pénale internationale, le Conseil national des barreaux et le Comité des Nations unies contre la torture avaient alors souligné les conditions restrictives de ce projet de loi qui rendrait inopérante la compétence universelle. Avec la loi du 9 août 2010, le législateur, plutôt que de consacrer une compétence universelle pour les crimes les plus graves conditionnée à la simple présence de l'auteur des faits sur le territoire, a préféré asseoir cette nouvelle compétence sur la résidence de l'auteur, critère qui relève davantage du principe de compétence personnelle. En outre, les conditions relatives à l'exercice de cette compétence extraterritoriale font l'objet de critiques et certains auteurs  soulignent une éventuelle contradiction avec les engagements internationaux de la France.

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